Pourquoi le nouveau DOOM va t-il (encore) me décevoir ?

DOOM est bien plus qu’un simple licence, c’est un genre, c’est un mythe, c’est devenu un modèle. Lorsque John Carmack, John Romero et Adrian Carmack sortent ce jeu en shareware en décembre 1993, ils sont loin de se douter qu’ils viennent de créer une référence incontournable qui marquera le jeu vidéo jusqu'à aujourd’hui. Si DOOM II en était la suite directe (sortie un an après), les autres reboots, arrivés des décennies plus tard semblent faire pâle figure en comparaison. Et si le quatrième volet, sobrement intitulé DOOM, n’est pas encore sorti, les vidéos de présentation, aussi belles soient elles, me semblent un poil décevantes. Explications…

Vous pouvez retrouver notre dossier sur les origines de Doom ici..
 

DOOM, une philosophie

Pour comprendre ce qui fait la singularité de DOOM, il faut se pencher du côté de sa bande son. En premier lieu parce que c’est un jeu qui profite de musiques issues de groupes comme Judas Priest ou Metallica, groupes de renommée internationale (parmi les plus influents sur la scène Heavy Metal) et que le nom du morceau d’intro colle à merveille avec l’esprit du jeu : Painkiller (littéralement tueur de souffrance[1]). Pour un jeu qui propose d’éradiquer des hordes de démons, ce titre en résume parfaitement le principe.

Doom
DOOM, 1993

Mais ce qu’il faut surtout en ressortir c’est la philosophie du Heavy Metal (et surtout du Speed Metal) : la vitesse. Toujours plus vite, toujours plus fort, ce genre de musique travaille une rythmique puissante, avec des morceaux pouvant taper jusqu’à 240 bpm. La bande son de DOOM (I et II) fait partie intégrante du jeu, elle donne le ton immédiatement. Le joueur est invité à courir à une vitesse proprement surhumaine et à tirer dans tous les sens, avec le volume à fond (histoire de cultiver le mythe des jeux qui rendent violents, comme le Rock’n’Roll dans les années 50).

Aussi, même si l’aspect gore de ce jeu semble prédominant, ce n’est probablement pas ce qui lui donne son aura légendaire. Les ingrédients phares sont bel et bien la musique et la vitesse combinés à un FPS dans un univers résolument Heavy Metal. Il suffit d’ailleurs de voir les illustrations des pochettes des albums de ce genre musical pour retrouver toute l’esthétique de DOOM.


 

Doom³, un titre sous sédatif

Grosse déception en 2004 (soit 10 ans après, quand même) lorsque j’ai pris en main le troisième volet de la licence. Délaissant tout le côté bourrin de ses prédécesseurs, id Software en a fait un jeu plus horrifique qu’autre chose. Avec sa très controversée lampe de poche (que l’on ne peut pas utiliser en même temps que l’arme), ses mécaniques étaient intéressantes et ses graphismes assez sublimes (pour l’époque). Malheureusement le jeu souffrait d’une linéarité abrutissante et surtout d’une lenteur soporifique. Doom³ n’était alors plus qu’un simple FPS, certes très bien réalisé, mais a des années lumières de l’expérience des premiers volets.

Au fond, je ne me souviendrais de ce jeu que pour avoir été un des premiers à intégrer du bump maping.
 

Le prochain DOOM, des promesses mais peu de résultats

Lors de sa conférence à l’E3, Marty Stratton, le producteur exécutif, semblait pourtant l’avoir bien compris : « les bases de tous les DOOM, passés ou présents sont : des démons badass, de gros flingues et bouger très très vite ». Pourtant, si la vidéo de présentation semble montrer les deux premiers points, la vitesse reste toujours très discutable :

Bon point : les mécaniques ultra molles de Doom³ semblent avoir été abandonnées, mais la vitesse de déplacement de notre space marine est loin d'atteindre celle qu’il avait dans les premiers volets.

En revanche, ce qui m’a le plus choqué, c’est la bande son. Reprenant l’ambiance glauque et pesante du troisième opus, elle semble avoir toutes les peines du monde à s’accélérer lors des phases de combat. Le rythme est tout simplement écrasé par cette musique d’une lenteur pesante. Un énorme faux pas pour une licence qui a largement les moyens de se payer des morceaux de qualité.

Alors le Heavy Metal est peut-être un genre passé de mode (je vais me faire assassiner pour avoir écrit ça), mais une fois encore, il est certain que l’esprit DOOM, tant cité en exemple depuis des années, n’y est pas. Si ma vision reflète sans doute un peu l’esprit vieux-con (c'était mieux avant), il suffit de voir ce que les fans ont fait de ce jeu au fil des années et ce qu’ils produisent aujourd’hui :

Imaginons qu’id Software augmente la vitesse de déplacement de son space marine dans le prochain volet. Que se passerait-il ? Il est très probable que le joueur perdrait son temps à se cogner dans les murs ou à tomber, et ce pour une raison simple : les niveaux sont trop petits, ils n’ont pas été conçus pour la vitesse...
 

Un reboot impossible ?

Dès lors, il est pratiquement certain que, aussi bon que soit DOOM(4), il n’arrivera pas à la cheville du premier en terme d’ambiance. Et c'est là que se pose toute la question de la faisabilité d’un reboot avec des graphismes actuels. J’en parlais déjà dans mon dossier sur le réalisme dans le jeu vidéo : l’augmentation des détails graphiques pose de sacré soucis, à la fois techniques, mais aussi artistiques. Quitte à enfoncer des portes ouvertes, notons que DOOM est loin d’être un jeu réaliste, donc toute approche vers une ressemblance avec le monde réel ne peut qu’aller à contre-courant de la licence.

Doom 4
Graphiquement irréprochable, mais cela ne fait pas tout

On sent bien que ces contraintes sont le fruit d’un développement qui n’est pas aussi libre que celui qu’avaient Carmac et Romero en 1993. Les mécanismes mis en œuvre pour réaliser un jeu AAA aujourd’hui ne semblent plus permettre une réalisation aussi spontanée et délirante. Il faut dire que l’esprit Heavy Metal n’a pas vraiment sa place dans une entreprise sérieuse et contrôlée. Et ce, même si id Software/Bethesta pratique une politique généralement assez ouverte.

Au final, comme tout le monde, je me ruerai vers ce nouveau DOOM lors de sa sortie, mais je sais déjà que je ne trouverais pas ce que j’affectionne dans cette licence. Et si, par excès de nostalgie, je cherche à revenir aux fondamentaux, j’irais plutôt lorgner du côté de Brutal Doom, un hommage très radical mais bien plus fun…


 

[1] la traduction exacte est analgésique

Auteur : Thomas Daveluy

Spécialiste Game Design
Après une formation scientifique, Thomas a effectué un virage à 180° pour s’engouffrer dans un cursus artistique. Cinq années d'école d'art l'ont alors convaincu que le jeu vidéo était une forme qui méritait ses lettres de noblesse mais qui était encore mal accepté par l'Académie. Sans cesse partagé entre l'art et la science, Thomas a trouvé dans le jeu vidéo le terrain d'expérimentation idéal : quel meilleur média que celui combinant des bases très techniques et un champ artistique à part entière ?

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