Les années 90 sur PC sont considérées comme l’âge d’or des point and click, ces jeux d’aventure où réflexion et narration sont intimement mêlées. LucasArts fut l’un des plus grands pourvoyeurs de maux de tête avec des titres cultes comme Maniac Mansion ou les Indiana Jones. Fin 1996, un titre développé par Revolution Software allait lui aussi s’imposer comme un classique : Les Chevaliers de Baphomet. Sonia Mistri nous raconte ses souvenirs liés à une aventure qui allait donner naissance à sa passion pour ce genre. Elle a notamment testé l'adaptation de la série Game of Thrones dont le quatrième épisode a été chroniqué ici
Quand la lecture mène aux Point and Click
« A la sortie du jeu en 1996, j'avais 15 ans. Je jouais alors sur consoles et j’ai eu mon premier ordinateur PC. (NDLR : je précise PC car j’aime entretenir les rivalités ancestrales PC-Mac et Sega-Nintendo.)
C’est au cours de cette année que j’ai connu les point and click. Les magazines de l'époque étaient accompagnés de CD de démos jouables, j’ai pu essayer Monkey Island. Mais il y avait aussi un article sur Les Chevaliers de Baphomet. C’est ce titre qui m’a ouvert la voie vers les jeux d’aventures et qui m’a fait m’y intéresser par la suite. »
Le nom du jeu renvoie aux légendes racontant que les chevaliers de l’Ordre du Temple vouaient un culte au Baphomet. A cette époque, Sonia lisait des romans racontant les aventures des Templiers ou des Chevaliers de la Table Tonde. Quoi de plus logique que ce titre ait éveillé l’intérêt de Sonia?
« J’ai insisté pour que ma mère m’achète le jeu. Il était fièrement présenté, avec sa grosse boite et son manuel. Ca me manque terriblement aujourd’hui. Je me rappelle regarder les images, découvrir l’histoire dans la voiture et ainsi pouvoir gagner du temps et jouer tout de suite en rentrant. Tout ce rituel, cette découverte progressive à disparu avec le passage au dématérialisé. L’image sur la boite des Chevaliers de Baphomet est très mystérieuse, elle évoque un violent jeu de combat alors que tu diriges un blondinet. »
La ballade des gens heureux
Le jeu raconte l’histoire de George Stobbart, un américain passant ses vacances à Paris. Tranquillement assis à la terrasse d’un café, il assiste à un attentat commis par un clown.
« Le doublage en français de George par Emmanuel Curtil, la voix française de Jim Carrey, m’a beaucoup plu, car il parle avec l’accent américain. Par exemple, pour le clown, il prononce claoune. L’histoire t’amène aux quatre coins de la terre, en France donc, mais aussi en Irlande, en Espagne… Même si les décors sont un peu clichés avec notamment la terrasse parisienne ou le pub typique irlandais, le jeu est tellement prenant qu’on pardonne vite ce détail. »
Quant au scénario, il ne noie pas le joueur sous des tonnes d’informations concernant les Templiers, qui servent surtout de base à cette histoire dont l’intérêt reste dans la résolution de ces énigmes.
Dans les années 90, ces jeux proposaient souvent des énigmes à s’arracher les cheveux, tellement elles étaient tordues. Sonia m’explique que ce qui lui plait vraiment est de tester toutes les combinaisons d’objets pour enfin trouver la solution. L’ambiance sonore, de qualité, est également liée aux énigmes, car chaque à fois que le joueur résout une énigme, il entend une petite mélodie sympathique qui est là pour lui dire « bravo, continue ! »
Les Chevaliers de Baphomet n’est pas très difficile, même si George peut mourir en tombant dans un trou ou par balles, mais il y a un passage particulièrement frustrant : celui de la rencontre avec la chèvre.
L’immonde Raymonde
Toute personne connaissant un tant soit peu le jeu sait qu’il rencontrera une chèvre lors de ce premier épisode. Je fais remarquer à Sonia que le nom est ridicule et que je pense immédiatement à Raymonde Bidochon. Elle me répond amusée que c’est George qui l’a surnommée comme ça, qu’à la base elle n’a pas de nom.
« Cette chèvre totalement antipathique te bloque le passage lorsque tu arrives en Irlande. Je suis restée bloquée des semaines sur ce passage ! A l’époque il n’y avait pas internet pour aller voir la solution quand on bloquait, il fallait se contenter des magazines. Je devenais folle, je ne savais plus comment faire avec cette immonde chèvre, je regardais dans les rubriques du courrier des lecteurs en espérant y trouver la solution. Mais non, rien. Dépitée, j’ai laissé le jeu de côté pendant quelques temps.
Puis, j’ai retenté. Ne trouvant toujours pas, je me suis énervée sur ma souris en double cliquant partout. Et là, je vois George qui arrive à la coincer ! Je ne savais pas comment, mais j’avais réussi à passer outre cette horrible biquette ! Le soulagement fut total. C’est le seul endroit du jeu où tu dois faire un double clic pour réussir une énigme, beaucoup de joueurs ont bloqué à cet endroit. J’ai même lu l’histoire d’un joueur qui avait laissé tomber le jeu pendant quelque chose comme 15 ans, et puis qui est finalement parvenu à trouver la solution par lui-même. Il était aux anges d’avoir finalement vaincu l’immonde Raymonde ! Elle est depuis devenue un emblème de la série. »
Je tiens solennellement à exprimer mon profond respect envers toutes celles et ceux qui ont su affronter l’immonde Raymonde et toutes les énigmes de ces point and click par eux-mêmes, car personnellement, dès que je bloque un peu trop longtemps, je regarde sur Internet. Sonia m’avoue qu’il est effectivement terriblement tentant de céder à la facilité et que bien souvent on s’écrie en voyant la solution : « mais oui, c’est logique, je suis trop bête, en plus c’est le seul truc que je n’ai pas essayé ! »
Un duo pour de multiples aventures avec des hauts et des bas
Au début de l’histoire, George fait la connaissance d’une journaliste parisienne appelée Nicole, qu'on surnomme Nico. Il est blond, elle est donc logiquement brune.
« Nico est le type même de personnage que les filles aiment parce qu'elle est belle, intelligente, et dégourdie. Elle ne se laisse pas faire, c’est une battante. En tant que fille, je conçois totalement que l’on aime s’identifier à elle. A part Lara Croft qui faisait ses débuts, il fallait se tourner du côté des adaptations en animés comme Cat’s Eyes pour voir des personnages féminins de ce genre. Nico et George allaient très bien ensemble, et jusqu’à la fin de l’aventure j’ai attendu le baiser. Et je dois t’avouer que j’étais amoureuse de George... »
La série va alors se poursuivre un an plus tard, avec le deuxième opus intitulé les Boucliers de Quetzalcoatl, lui aussi totalement approuvé par Sonia.
« Ces deux premiers volets sont aussi bons l’un que l’autre, un vrai régal. Et puis, le troisième épisode intitulé le Manuscrit de Voynich a été une grande déception. C’était le début de la 3D, du coup le concept a été transposé pour être jouable comme un jeu d’aventure dans lequel le personnage est contrôlé à la manette ou au clavier. Moi, j'y ai joué sur Playstation 2. Ce n’était plus le gameplay du point and click, qui devenait petit à petit has been avec l’arrivée de la 3D. Mais ce troisième épisode était moche et ni les personnages, ni l’histoire ne m’ont intéressé. J’y ai à peine joué. Le quatrième est un peu mieux, mais rien de transcendant.
En 2012, le cinquième épisode, la Malédiction du Serpent fait l’objet d’une campagne sur Kickstarter qui rencontre un franc succès : pour un objectif de 400 000 $, le jeu récolte plus de 700 000 $ de promesses de dons. Il sortira finalement en deux parties et est disponible sur PC, Mac, XboxOne, PS4, PS Vita et même sur iOS et Android (bref à peu près tout sauf la Wii U...).
« Quand j’ai ai eu connaissance de ce projet en crowdfunding, qui annonçait le retour à la 2D, forcément bien moins pixellisée qu’à l’époque, j’ai sauté dessus, j'étais très impatiente d'y jouer ! Le jeu n’est pas mauvais, mais il cible vraiment les fans car on y retrouve beaucoup de clin d'oeil et de personnages des anciens volets. Notamment l’immonde Raymonde que l’on n’avait plus vue après le premier ! Le jeu est par contre un peu court, je l’ai terminé rapidement. En tout cas, ça m’a fait plaisir de voir ce que George et Nico étaient devenus. »
Titre culte du Point and Click, les Chevaliers de Baphomet est un jeu que tout amateur du genre se doit d’avoir essayé. Une fois encore, le passage de la 2D à la 3D a été un virage difficile à négocier, et c’est sans doute la raison pour laquelle le cinquième épisode est revenu à une 2D classique.
Récemment, Charles Cecil, fondateur du studio Revolution Sofwtare a confirmé qu’un sixième épisode était mis en chantier en déclarant : « Il sera génial lui aussi, j'ai de merveilleuses histoires à raconter, qui feront suite à celle des Chevaliers de Baphomet 5 à bien des égards. » Nul doute que Sonia saura répondre à l’appel et nous en parler.
Auteur : Steve Formento
ChroniqueurSteve, alias Stibi. Comptable et passionné de jeux vidéos depuis une petite trentaine d'années. Tout a commencé avec un Amstrad CPC, puis une Master System et la Super Nintendo. Football Manager m'a ensuite happé et je suis resté exclusivement sur PC jusqu'à la sortie d'Heavy Rain. Il me fallait une PS3. Il me faudra tous les jeux de Quantic Dream de toute façon, je me le suis promis. A travers la rubrique Cœur de Gamer, je souhaite mettre en valeur le ressenti personnel sur un jeu en particulier à travers nos souvenirs marquants, peu importe si au final le jeu fut apprécié.
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