Lucius

Alors que le monde du jeu vidéo a tendance à nous mettre dans la peau de héros grands, beaux et forts, presque caricaturaux, les petits développeurs finlandais de Shiver Games ont décidé de prendre le contre-pied de tout cela et de nous faire incarner un enfant petit, frêle, muet et peu avenant, mais qui se trouve être le fils du Diable en personne.

            Le jeu nous met dans la peau d'un jeune garçon né le 6 juin 1966, Lucius. Votre famille habite le Dante Manor et est composée de votre père, riche politicien, tentant de se faire réélire au sénat, de votre mère, femme au foyer, de votre oncle, un raté pervers, et de votre grand-père, personnage au passé trouble. Au moment de fêter votre sixième anniversaire, la vérité éclate enfin et vous apprenez que vous êtes en réalité le fils du Diable. A partir de ce jour, votre chemin sera pavé par la mort des nombreux habitants du manoir familial.

            Si cette mise en situation vous a directement fait penser au film The Omen de Richard Donner (La Malédiction en français), vous avez totalement raison. Lucius copie librement le film dans la progression mentale des personnages (le père qui se pose de plus en plus de questions sur son fils, la mère en pleine dépression nerveuse,...) que sur l'ambiance et certaines parties du scénario, certaines morts étant même calquées sur ce qui arrive dans le film, à tel point qu'il est étonnant que les développeurs n'aient pas eu de soucis avec les producteurs de The Omen.

            Alors que le manoir vous servira de terrain de jeu pour mener à bien vos meurtres, vous devrez faire preuve de réflexion et de discrétion pour arriver à les faire passer pour des accidents. Tout du moins était-ce là la volonté des développeurs car, dans les faits, la réalité est autre. En premier lieu, le manoir ne vous sera accessible entièrement qu'après le premier quart du jeu, certaines zones vous étant fermées sans aucune réelle raison. Par contre, une fois que vous aurez un accès libre à l'entièreté du manoir, vous vous rendrez compte que vous bénéficiez d'un terrain de jeu assez grand, parfois labyrinthique avec ses secrets et ses endroits intéressants.

            On sent que le jeu voulait jouer sur l'idée de tuer en toute discrétion et en improvisant avec son environnement, tel un Hitman en culotte courte. Malheureusement pour nous, le jeu se rapproche plus d'un point & click en 3D qu'autre chose, chaque mort ne pouvant être résolue que d'une seule et unique manière, décidée par les développeurs. N'espérez donc pas utiliser votre imagination pour fomenter les meurtres les plus retords et inattendus. A chaque chapitre, votre but sera de déambuler dans le manoir pour ramasser les objets que vous pourrez garder sur vous, les combiner dans votre inventaire si possible, trouver votre cible, l'écran devenant rouge sang pour vous indiquer laquelle tuer (car oui, même votre cible vous est imposée), et mettre en place le dispositif qui amènera à sa mort. Vous devrez par contre vous débrouiller par vous-même pour trouver les actions choisies par les développeurs à accomplir, les indices donnés se faisant de plus en plus rares au fur et à mesure de votre progression. On se plait cependant à voir la progression dans l'élaboration du plan, les cinématique de conclusion de chaque chapitre montrant la mort d'un personnage étant bien réussies et assez jouissives. Le jeu possède également des missions secondaires facultatives. Elles consistent à faire passer Lucius pour un gentil garçon en se lavant les dents, en rangeant sa chambre ou en triant le linge, pour ne citer qu'elles. Ces missions, laborieuses pour la plupart, vous permettront de débloquer des bonus (trois au total) pas franchement indispensables.

            Pour ce qui est de la discrétion, votre but principal sera de ne pas être vu en train de vous affairer à vos divers actes malicieux. Le plus souvent, vous placer dans le dos d'un PNJ vous permettra de passer inaperçu (même si, parfois, ceux-ci vous détectent sans même techniquement pouvoir vous voir). Ces phases sont au final assez sommaires et le plus souvent vous limitent au chemin que vous pourrez emprunter. Par exemple, durant les missions de nuit, des portes resteront closes pour vous alors que les autres habitants du manoir pourront les ouvrir sans problème, tout cela dans le but de vous forcer à suivre un chemin prédéfini et d'avancer sans vous faire repérer tout du long. Attention toutefois à ne pas vous faire apercevoir au risque de devoir recommencer la mission, le jeu ne possédant pas de checkpoints ailleurs qu'au début de chaque chapitre et ne vous laissant pas non plus le choix de sauvegarder à votre envie.

            En tant que bon fils du Diable, vous aurez aussi à votre disposition des pouvoirs magiques qui gagneront en puissance tout au long de votre folie meurtrière. La télékinésie nous permettra de déplacer/casser des objets et de démarrer des machines à distance. Le contrôle mental vous permettra de forcer d'autres personnes à effectuer certaines actions à condition que leur résistance mentale soit faible. L'effacement de mémoire ne marchera qu'en de très rares occasions, à savoir lorsque vous vous faites détecter et que les développeurs ont trouvé utile de vous donner l'occasion de le faire. En effet, dans certains cas, vous faire détecter entrainera un game over sans possibilité d'effacer la mémoire alors que vous en aviez la possibilité sur une autre personne une minute plus tôt. Et enfin, la combustion vous permettra d'enflammer des personnes en envoyant des boules de feu lors de phases de combats totalement ratées mais heureusement rares.

            L'utilisation de ces pouvoirs met en avant les problèmes d'ergonomie minant le jeu. En sélectionnant un de ces pouvoirs, vous vous retrouverez dans l'impossibilité de tenir un objet en main ou d'ouvrir une simple porte, vous obligeant à revenir en mode "normal" pour effectuer ces actions, le multitâche n'étant pas le fort du fils du Diable. La navigation dans l'inventaire ne sera pas non plus des plus aisées. Vous ne pourrez pas sélectionner directement un objet grâce à la souris mais devrez utiliser la molette pour passer de l'un à l'autre, choix d'autant plus étonnant que le jeu ne supporte pas l'utilisation d'une manette. Durant le jeu, vous déplacerez votre personnage à la troisième personne avec un pointeur jaune au centre de l'écran pour vous permettre d'indiquer avec quoi vous voulez interagir. Alors que les déplacements à pied se font assez facilement, la maniabilité rigide en tricycle vous donnera un pas mal de fil à retordre.

            D'un point de vue technique, le jeu souffle le chaud et le froid. Divers bugs sont présents dans le jeu malgré les différents patchs. Personnages marchant contre une porte qui ne s'ouvre pas, objets qui disparaissent, et caméra capricieuse dans les endrois clos seront de la partie. La modélisation des personnages est datée et nous renvoie à l'époque d'Half-Life 2 (mais a l'avantage de rendre votre personnage encore plus sinistre). Les animations sont rigides et la synchronisation labiale est dans la plupart des cas ratée, le jeu d'acteur variant du mauvais au juste correct. Les décors, quant à eux, sont assez réussis et nous permettent de nous immerger dans l'ambiance. Cette dernière est probablement la plus grande réussite du jeu. Les couleurs utilisées donnent un aspect sépia à l'ensemble et l'orage avec les lumières qui crépitent à chaque impact de la foudre nous font percevoir l'ambiance pesante que les habitants du manoir doivent ressentir. On notera aussi les musiques réussies, bien dans le thème et faisant fortement écho à The Omen. Pour finir, la durée de vie est fortement limitée, Lucius ne demandant pas plus de 5 heures pour en venir à bout, la rejouabilité étant nulle de par les méthodes de mise à mort uniques.

"L'enfer est pavé de bonnes intentions" est ce qui ressort tout de suite du jeu Lucius. On pourra pardonner certaines errances techniques dues au petit budget dont disposait le studio, mais on ne peut fermer les yeux sur des choix de gameplay malheureux qui empêchent de jouir pleinement de ce qu'aurait pu offrir le jeu. Cependant, malgré tous ses défauts, le jeu attire une certaine sympathie de par le thème choisi, les cinématiques montrant le dénouement de vos plans machiavéliques et l'ambiance, réussie, qui s'en dégage. On ne pourra que conseiller les personnes intéressées par le concept de l'acheter à petit prix (le jeu étant vendu 18.99€ à l'heure actuelle) et d'espérer que Shiver Games rectifie le tir avec le Lucius 2 en préparation.

Verdict : 5/10

Lucius est édité par Lace Mamba Global et développé par Shiver Games. Il est sorti sur Windows le 26 octobre 2012.

Test effectué à partir d'une version commerciale sur un PC équipé d'un core i5 3330, GTX 770 et de 16Go de Ram.

Plateformes: 



Auteur : Xavier Sottiaux

Testeur Software
Passionné de jeux vidéos depuis ma plus tendre enfance, mes goûts sont éclectiques. Jouant principalement sur PC mais aussi sur consoles, mes centres d'intérêt vont aussi vers les nouvelles technologies, la photographie et les jeux de rôle papier.

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