Nintendo, un an après...

Rappelez-vous, il y a un an jour pour jour, nous écrivions, en commun avec Adrien Martel, un long article sur notre vision de l’actualité de la firme japonaise. Passionnés mais inquiets, nous échangions notre vision des directions prises par la firme au cours de ces 30 dernières années avant d’arriver à la conclusion qu’il fallait que l’éditeur réagisse même si son avenir financier n’était pas tellement préoccupant.

Un an après, Nintendo a t-il su remonter la pente et reconquérir ses fans ? A t-il rebondi sur le semi-échec de sa console de salon afin de répondre aux attentes des joueurs et de proposer du contenu novateur comme il en avait fait sa spécialité ?

 

2014 en quelques chiffres : du mieux, du bien mieux

Avec la sortie annoncée de hits comme Super Smash Bros. U ou Mario Kart 8 et accompagné par des succès inattendus sur 3DS comme Tomodachi Life, Nintendo a mis toutes ses chances de son côté pour relever sa situation économique.

Les hits de cette année ont boosté les ventes de WiiU qui est passée devant la Xbox One (7.39 millions d’unités vendues dans le monde contre 5.92 millions pour la console de Microsoft).

Ventes de consoles dans le monde

Mario Kart 8 s’est écoulé à 4.77 millions d’exemplaires[1]. C’est peu pour un jeu de cette série (Mario Kart Wii s’est vendu à plus de 34 millions d’exemplaires), mais cela a permis à la console de relancer ses ventes, plus de 1.2 millions de Wii U ont été vendues entre avril et septembre, un sacré coup de pouce !

Il y en a encore !

Fin septembre Nintendo sortait du rouge pour afficher un résultat positif de plus de 175 millions d’euros[2]. À la même époque en 2013 les résultats de l’éditeur étaient déficitaires de presque 60 millions. Au final, malgré le pessimisme des analystes, le constructeur nippon a réussi à renverser la vapeur, du moins d’un point de vue financier.

Alors, même si Nintendo reste toujours à des années lumières de ses chiffres de ventes du temps de la Wii, le duo 3DS/WiiU et l’énorme catalogue de jeux sortis (en France Big N est le premier éditeur de jeux vidéo en terme de ventes) offrent un véritable second souffle à ses deux consoles qui ont toutes deux mal démarré (maintenant que la 3DS se vend bien on a tendance à oublier ses débuts catastrophiques).
 

Le tournant : l’E3 2014

On a entendu beaucoup de journalistes prétendre que Nintendo avait “gagné” l’E3 2014. Outre la stupidité de proposer un gagnant sur un salon spécialisé dans l’auto-promotion, il faut bien avouer que cet E3 n’a pas particulièrement proposé de contenu surprenant chez les autres éditeurs, laissant pratiquement le champ libre à Nintendo.

Nintendo à l'E3


Big N s’est effectivement extrait du lot avec plusieurs effets d’annonces qui ont su réveiller les fans. Chaque jour de ce salon a vu fleurir des annonces du japonais qui présageaient de bonnes choses : Amiibos, Mario Kart 8, Super Smash Bros U, Starfox, Zelda, Mario Maker, Splatoon, Yoshi Wooly World et même Metroid (sans images toutefois) y ont été annoncés.

Autant dire que tout d’un coup, en trois jours, Nintendo a dévoilé pratiquement l’intégralité de ce que les fans attendaient sur cette génération : les titres habituels et des nouveautés spécifiques à la console.
 

Du fan service intelligent et des nouveautés

Les Amiibo sont un coup de maître pour le japonais. Bien loin d’être les seuls (ni les premiers) à proposer des figurines avec mémoire NFC, la force de Nintendo c’est son catalogue hallucinant de stars et de mascottes du jeu vidéo. Là où Disney, avec Infinity, a dû créer de toutes pièces une plateforme de jeux interactifs afin de vendre ses figurines, Nintendo avait tout ce qu'il lui fallait, s’assurant sans conteste un succès inégalable (700 000 figurines vendues rien qu’aux USA en décembre[3]).

Les Amiibos sont une véritable poule aux oeufs d'or...
Les Amiibos sont une véritable poule aux œufs d'or...

Pour le reste, les jeux à licence promis à l’E3 2014 ont tous tenu parole (du moins ceux qui sont sortis à ce jour). Mario Kart est sans doute un des meilleurs de la licence, son DLC a d’ailleurs dépassé toutes nos attentes, Smash Bros est une suite peaufinée aux petits oignons (à l’exception d’un mode aventure cruellement manquant) et les petits jeux comme Captain Toad : Treasure Tracker n’ont pas à rougir de leur qualité.

Splatoon n’est pas encore sorti mais, même s’il est trop tôt pour en faire une critique, semble dévoiler un nouveau genre de jeu (mêlant stratégie, tir, action et bataille en arène), comme Nintendo s’évertue à en créer depuis son entrée dans le monde vidéoludique.

Clouant le bec à ceux qui s’acharnent à dire que l’éditeur japonais ne refait que reproduire ses anciens succès, il est fort de constater que cette année a été celle de la réinvention et de la recherche de nouvelles expériences. Et il est à parier que 2015 nous laisse encore quelques surprises...
 

Une communication revue et corrigée

La sortie de Mario Kart 8 a vu fleurir une dizaine de petits clips présentant sur un ton très décalé les nouveautés du jeu, soulignant une communication soignée et cohérente.

Amiibo Reggie
La branche USA a semble t-il pris les devants et s’est d’avantage mise en avant sur la communication des produits cette année. Allant même jusqu’à l’humour potache, Reggie Fils-Aimé, le directeur (très apprécié des fans) de Nintendo of America, est allé jusqu’à proposer un Amiibo à son effigie dans un clip délirant.

Les mises en scène plus décalées ont d’ailleurs bercé l’année 2014. Pour présenter Smash Bors U à l’E3 2014 Iwata et Reggie se sont même retrouvés dans un clip où ils s’affrontent à grand coup d’effets spéciaux volontairement cheaps :


Outre une plus grande aisance sur le ton humoristique et décalé, Nintendo a aussi dévoilé un aspect bien plus intelligent concernant les hits très attendus.

C’est le cas du prochain Zelda où Miyamoto a présenté deux vidéos séparées de 6 mois chacune, consciencieusement préparées pour créer de l’attente et de la rumeur. Cette préparation méticuleuse ne laisse pas la place au hasard, le premier trailer montrait en apparence une cinématique, laissant les rumeurs les plus folles se construire, jusqu’à ce que quelques mois plus tard Miyamoto dévoile qu’il s’agissait une séquence de gameplay : de nouvelles rumeurs pouvaient fleurir.

Enfin, le second trailer laisse entrevoir des bouts de cartes, des images étant directement liées à des artworks d’anciens Zeldas, etc. On sent bien que chaque séquence est étudiée en amont afin de dévoiler juste ce qu’il faut. C’est une stratégie assez nouvelle chez Nintendo qui montre là une campagne de communication exemplaire.

Zelda WiiU ressemble au premier zelda Nes
Les premières images de Zelda WiiU ressemblent étrangement au premier Zelda NES

 

Mais toujours très peu d’éditeurs tiers

Cependant il reste des points noirs en ce qui concerne les autres éditeurs et les jeux non produits par Nintendo. Le flop absolu de Watch Dogs sur Wii U[4] en est la triste illustration. Même si la qualité discutable de ce jeu explique en partie pourquoi 6 mois après plus personne n’en a voulu, force est de constater que ce décalage entre la sortie Wii U et les autres plateformes est éloquent. Ubisoft n’est pas connu pour avoir une stratégie de développement exemplaire (entre les bugs d’Assassins Creed et un Tetris qui rame, nous avons eu une fin d’année 2014 cauchemardesque pour l’éditeur), mais il est certain que cet écart de sortie n’était pas voulu. Nous ne saurons jamais exactement ce qu’il s’est passé, mais cela souligne que développer pour la Wii U n’est pas une priorité pour les éditeurs voire même pose des soucis techniques (6 mois en terme de développement sonnent comme un quasi-suicide commercial).

Bug Watch Dogs
It's not a bug, it's a feature !


Malgré les nombreux jeux signés Nintendo cette année, force est de constater que côté éditeurs tiers, la Wii U fait encore office de désert. Pas d’Assassin’s Creed Unity, pas d’Alien Isolation (avec le Game Pad le jeu aurait pu être terrible), pas de Far Cry 4, pas de Wolfenstein, etc, autant de jeux multi-plateforme qui ont boudé la Wii U alors qu’ils sont aussi sortis sur PS3 et Xbox 360 (consoles aussi, voire moins puissantes). Même Soldats Inconnus a osé sortir sur Ipad/Iphone mais pas sur la console de Nintendo ! De là à penser qu’Ubisoft est fâché avec Nintendo il n’y a qu’un pas...
 

L’avenir plus dégagé ?

Un des sujets d'inquiétudes que nous avions eu l'année passée était que Nintendo se retrouve seul maître à bord sur sa plateforme. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé tout au long de 2014. Loin de se décourager, l’éditeur a revu sa stratégie et a profité de son nom, sa force de frappe et de son capital (énorme on vous le rappelle) pour développer (et faire développer) des jeux sous son effigie. Cette stratégie a semblé payante puisque la console a redoré son blason ces derniers mois et que les ventes de jeux sont de nouveau au rendez-vous.

Pourtant, à la surprise générale, le géant japonais a annoncé la semaine dernière un partenariat avec DeNA afin de rentrer dans le monde des jeux sur plateformes mobiles et PC. Même s'il est encore beaucoup trop tôt pour faire la moindre spéculation sur les orientations futures de Nintendo pour le domaine mobile/PC (il faudra attendre l'E3 2015 pour en savoir plus), force est de constater que l'éditeur s'est profondément remis en question. Jusqu'il y a peu, big N refusait en bloc de faire des jeux dans ce domaine, en niant la vérité : les jeux mobiles ont largement conquis le marché et font clairement de l'ombre aux autres périphériques. Ce changement de cap souligne au moins que Nintendo est lucide sur sa situation et sait qu'il n'est plus possible de nier ce secteur qui est aujourd'hui devenu incontournable (pour le meilleur ou pour le pire). C'est au moins une bonne nouvelle sur ce point.

Nintendo l'a affirmé : la 3ds et la Wii U ont encore de beaux jours devant elles car le nouveau service qui va être mis en place s'ajoutera à ces deux consoles. Il n'y a donc ni virage à 180° ni fatalisme. Le japonais veut étendre son réseau de diffusion et de création et cela semble plutôt de bonne augure. Et même si les partenariats de Nintendo n'ont pas été de franches réussites par le passé, cette entrée en matière a néanmoins un énorme potentiel. Espérons que cela ne soit pas gâché.
 

En conclusion, même si les nuages n’ont pas tous disparu, Nintendo a fait un énorme pas dans la bonne direction en 2014. Il ne nous reste plus qu’a espérer que 2015 arrive à nous faire rêver d’avantage et, si les promesses sont tenues, cela ne devrait pas être trop utopique. Reste maintenant à espérer le retour des éditeurs tiers et des développeurs indépendants dans les mois à venir. Qui sait, peut-être que l'arrivée sur périphériques mobiles redonnera à Nintendo un regain d'énergie pour rester encore des années un acteur incontournable dans le secteur vidéoludique.
 

[1] Fin janvier 2015 : http://www.eurogamer.net/articles/pokemon-smash-bros-sales-help-nintendo-back-to-profit

[2] http://www.01net.com/[...]/la-wii-u-passe-le-cap-des-7-millions-d-unites-vendues-et-sort-nintendo-du-rouge

[3] http://middleofnowheregaming.com/[...]amiibos-and-super-smash-bros-for-wii-u-sell-over-700000-units-each

[4] http://www.digitalspy.co.uk/[...]/sonic-boom-and-watch-dogs-flop-on-wii-u

Auteur : Thomas Daveluy

Spécialiste Game Design
Après une formation scientifique, Thomas a effectué un virage à 180° pour s’engouffrer dans un cursus artistique. Cinq années d'école d'art l'ont alors convaincu que le jeu vidéo était une forme qui méritait ses lettres de noblesse mais qui était encore mal accepté par l'Académie. Sans cesse partagé entre l'art et la science, Thomas a trouvé dans le jeu vidéo le terrain d'expérimentation idéal : quel meilleur média que celui combinant des bases très techniques et un champ artistique à part entière ?

Ajouter un commentaire

Standalone Post

Standalone Post est un des seuls sites d'actualité vidéoludique qui se veut 100% indépendant des éditeurs de jeux.

Nos partenaires




Newsletter

Renseignez le formulaire ci-dessous et nous vous enverrons régulièrement un email avec les dernières nouveautés.