Il y a les jeux historiques (ceux qui relatent un fait passé) et les jeux Historiques (ceux qui ont marqué leur temps). Wolfenstein 3D, sorti en 1992, appartenait aux deux, puisqu’en revisitant l’histoire (il fallait tuer Hitler), il a marqué sa propre époque par son incroyable inventivité.
Même si l’opus 3D n’était pas le 1er de la série[1], lorsqu’un chef d’oeuvre se voit fleurir nombre de suites, c’est généralement pour le meilleur et pour le pire. Les suites de Wolfenstein ont fluctué entre du très correct (Return to Castle Wolfenstein, 2001) et du très mauvais (Wolfenstein 2009). Autant dire que cela faisait plusieurs années que les fans attendaient de pouvoir de nouveau casser du Nazi dans un bon jeu...
Car Wolfenstein c’est avant tout une ode à la phrase “l’histoire s’écrit du côté des vainqueurs”. L’intérêt premier du jeu étant de pouvoir massacrer allègrement du Nazi, et si-possible de la pire des manières (bah oui c’est des nazis on va pas se priver).
Wolfenstein The New Order propose donc une belle uchronie (une réalité alternative à la nôtre, où un événement de l’Histoire s’est déroulé de manière radicalement différente) qui nous plonge dans une monde des années 60 dévasté par l’empire du IIIème Reich. Quoi de plus naturel dès lors que de s’équiper de bonnes grosses mitrailleuses et de tuer TOUS les gros Nazis présents sur son passage ?
Un projet alléchant
Lorsque le jeu a été annoncé, Bethesda, l’éditeur du jeu, ne s’est pas privé de lâcher nombre de vidéos de démonstration. C’est qu’ils nous ont vendu du rêve : les teasers nous présentaient un univers superbe et prometteur. Sur une bande-son soignée, on voyait, outre d’excellents graphismes, les mécaniques de jeu intéressantes : il semblait possible de faire un niveau en mode infiltration (un peu comme dans Dishonored) ou de se munir de deux énormes fusils à pompe et de faire le plus de bruit possible pour massacrer du Nazi sous de grosses gerbes de sang et de tripes (du rêve je vous dit).
On nous avait aussi assuré que le moteur du jeu utiliserait le principe des mega textures[2], permettant un affichage des niveaux sur de très grandes superficies de manière réaliste et performante. On s’imaginait déjà pouvoir vider des centaines de cartouches calibre 12 dans un champ jonché de Nazis à perte de vue (un peu comme dans Serious Sam mais avec des SS, le rêve absolu).
Nous aurait-on seulement vendu du rêve ?
La première douche froide se prend à chaud (si si je vous assure) : avant même de jouer, le jeu nous impose une installation de 50Go ! Oui vous avez bien lu, cela équivaut à 2 à 3 fois ce que prend Windows 7 sur votre ordinateur ! C’est que les mega-textures c’est bien beau mais c’est lourd, très lourd : le dossier qui les stocke fait à lui seul 30Go. Les développeurs ont dû se dire qu’allez, après tout, pour stocker des nazis, on pouvait bien se le permettre !
A l’heure où les SSD deviennent monnaie courante, nombreux sont ceux qui ne disposent tout simplement pas d’autant de place sur leur disque dur ; ils devront tout simplement se passer du jeu car il sera impossible de l'installer autrement.
Le parti pris technique digéré, le jeu offre en retour un univers superbe et tourne parfaitement même sur des configurations plutôt modestes (attention, je n’ai pas dit que ça tournait sur votre pentium 4 avec 512 Mo de ram non plus hein, il s’agit d’un jeu next-gen donc il faut un minimum de matériel récent). Le jeu ne souffre pas de bugs graphiques majeurs et les temps de chargement sont réellement corrects si on prend en compte un univers avec autant de détails, c’est assez appréciable.
Le monde uchronique et post-apocalyptique proposé est très réussi. La musique donne le rythme et met tout de suite dans l’ambiance, l’univers a son propre style et les premières minutes de jeu sont une vraie source d’émerveillement...
Les premières minutes seulement…
Car oui, le jeu souffre d'une terrible maladie qui affecte bon nombre de jeux parfois trop axés sur la technique : passé l'émerveillement graphique, au bout d'une heure on commence à s’ennuyer ferme.
Oubliez le mode infiltration, les ennemis oscillant entre une stupidité hallucinante (en ne vous voyant pas quand vous êtes à 2m d’eux ou se précipitant à découvert vers le couloir que vous êtes en train d’arroser) et une vue perçante digne d’un pilote d’avion de chasse (des fois l’alerte est donnée alors que vous n’avez absolument croisé personne). Pratiquement toutes vos tentatives d’infiltration se termineront à coup de grenades et de calibre 12 dans tous les sens.
Puisque le jeu opte clairement pour le côté bourrin, il aurait été agréable de voir des mécaniques propres aux dégâts de masse (faire exploser une dizaine de Nazis d’un coup aurait été une source de joie incommensurable). Au lieu de cela, vous n’aurez que quelques grenades (au nombre hallucinant de... 3 maximum) dont l’efficacité reste toujours à prouver. Le reste des armes étant une panoplie assez limitée de mitrailleuses ou de fusil à pompe.
Les phases d’action deviennent alors horriblement longues, obligeant le joueur à vider tous ses chargeurs, un par un, sur quelques Nazis bien trop stupides pour s’organiser. La seule véritable difficulté sera contre les armures blindées qui, à défaut d’être agressives, sont extrêmement résistantes. Au final, en se cachant dans un coin et en canardant les armures pendant un long moment on en vient toujours à bout.
Quand l’ennui est trop fort, dans les niveaux extérieurs on se surprendra à chercher à l’horizon le moindre nazi à tuer au sniper. Un seul suffirait à égayer la partie, juste un petit… Mais il n’en est rien, tant l’ennui fait rage au milieu d’un univers vaste mais inaccessible. Oubliez le doux rêve des mega-textures et de ses champs de nazis prêts à être cueillis, vous n’aurez qu’une ligne d’horizon, belle, mais lointaine.
Incapable de dépasser l’effet démo
Tout sonne comme si le jeu nous présentait une démonstration de force mais qui serait incapable d’offrir plus qu’une expérience technique. Comme pour Doom III, les niveaux s'enchaînent et finissent par lasser. Les mécaniques de jeu sont éculées, voire carrément indignes d’un FPS de 2014 : pas de dégâts de zone, un effet ricochet à peine timide, pas de viseurs originaux, bref le gameplay reste celui d’une autre époque. Ironie du sort un mode bonus permet de rejouer à l’ancien opus avec les mécaniques actuelles, soulignant d’avantage le peu d’évolution subi dans ce sens depuis toutes ces années.
En conclusion
S’il est graphiquement et musicalement très réussi, Wolfenstein The New Order lassera le joueur très rapidement. Passé l’effet “waouh” et après des jeux comme Dishonored ou Unreal, ce FPS semblera bien terne à ceux qui attendaient un hit nerveux mélangeant infiltration et scènes de boucherie gratuites. Au final Wolfenstein est une démo technique de qualité, un jeu qui annonce ce que peuvent être les nouveaux jeux à venir en terme de graphismes, mais sûrement pas en terme de gameplay.
Verdict : 6/10
Pour aller plus loin :
Coup d'oeil - Wolfenstein The New Order, Don Pascualino fait un tour d'horizon du jeu en vidéo.
[1] Castle Wolfenstein sorti en 1981 sur Apple II
[2] Les Mega Textures sont des fichiers de textures de taille immense permettant de contenir pratiquement tous l'environnement d'un niveau. Au lieu de gérer un ensemble de fichiers image pour chaque partie de la carte, la mega texture inclue absolument tout l'environnement. Cette technqiue permet d'éviter les effets de répétition de textures dans des scènes d'extérieur et soulage une partie de la machine en n'obligeant la gestion que d'un unique fichier. En revanche, il faut que l'ordinateur soit capable de stocker cette texture une une seule fois, ce qui demande un espace disponible assez conséquant.
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