Parfois les développeurs ont plein de bonnes idées mais ne les exploitent pas correctement. Parfois même une simple idée ne suffit pas à faire un bon jeu. Pour Bravely Default, on se situe complètement à l'opposé de cette situation et on se trouve avec un excellent jeu qui fourmille de bonnes idées très bien exploitées et mises en valeur.
L'offre de Square Enix en termes de RPG était plutôt décevante dernièrement. Mais grâce à Bravely Default, on a l'impression de renouveller un lien avec un bon vieux Final Fantasy de l'époque 8 ou 16 bits. Mais il ne faut pas croire qu'il s'agit d'un simple remix d'un vieux titre : on trouve ici des idées novatrices qui renouvellent certains aspects.
L'histoire, plus ou moins originale, commence par une jeune fille qui fait appel à vous dans une séquence utilisant la fonction gyroscopique et la réalité augmentée. Première idée sympathique, vous utilisez la carte fournie avec le jeu et l'introduction s'anime dans votre salon, il faudra suivre les déplacements du personnage avec votre console pour en profiter pleinement. La fonction gyroscopique est également reprise dans un film bonus à la fin du jeu, ou avec une manipulation spéciale, d'une manière encore plus aboutie. Pour en revenir à l'histoire, vous incarnez un jeune berger seul rescapé de son village qui a été englouti par un énorme gouffre. Vous croisez une vestale, une sorte de prétresse, de l'un des 4 cristaux qui existent dans le monde, accompagnée d'une petite fée, qui ne se gènera pas pour vous faire des remarques, et qui est poursuivie par une bande de méchants qui en veulent à sa vie. La vestale souhaite utiliser le pouvoir des cristaux pour refermer le gouffre et vous commencez votre périple à 2. Vous êtes rapidement rejoint par un mystérieux jeune homme amnésique et dragueur invétéré qui possède un étrange journal qui semble prédire tout ce qui va se passer. Enfin, la fine équipe se complète avec la fille du "grand méchant" au caractère explosif qui ne supporte plus le comportement de son supérieur et qui voit que la vestale n'est pas la cruelle sorcière qu'on lui a fait croire. On se retrouve après ça à parcourir les 4 coins du monde pour visiter les 4 cristaux afin de refermer le gouffre et sauver le monde de la destruction. Voilà un début plutôt basique mais qui est plutôt bien agréable à parcourir, et la suite, moins basique, ne sera pas dévoilée ici et malgré une partie du déroulement un peu convenu sur la fin, l'ensemble est globalement bien mené avec son lot de rebondissements et de révélations. Une mention particulière aux quêtes annexes, totalement optionnelles, mais qui offrent la possibilité de voir les personnages sous un autre jour.
Afin de lutter contre le mal qui ronge le monde, vous aurez besoin de vous battre. Le système de combat semble classique avec du tour par tour, en sélectionnant les actions de chaque personnage et en visualisant le résultat. Mais il y a plusieurs points originaux qui rendent l'ensemble passionnant et stratégique. Chaque action coûte des Points Brave (PB), en général 1 mais parfois plus. A chaque fin de tour, les personnages, et ennemis, regagnent 1 PB. Il est possible d'enchainer jusqu'à 4 actions dans un tour. Ainsi vous pouvez frapper très fort en enchainant les actions pendant un tour mais il vous faudra alors attendre plusieurs tours avant que le ou les personnages puissent rejouer, en étant vulnérables aux attaques adverses. D'un autre coté, il est possible de cumuler les PB en ne faisant aucune action, ce qui vous place en mode Default qui équivaut à un mode défense dans lequel vous ne prenez que la moitié des dégâts. Il est possible de cumuler jusqu'à 3 PB, et ensuite de les utiliser en un tour pour lancer une grosses offensive tout en restant disponible au tour suivant. Autre élément spécial, les Points Second (PS) qui permettent de mettre le combat en pause et de lancer une action en plein milieu d'un tour. Comme pour les PB, il est possible de passer en négatif et il faudra attendre de revenir à 0 ou plus pour de nouveau utiliser cette possibilité. Les PS se cumulent toutes les 8 heures, que vous jouiez ou que la console soit en veille (mais jeu lancé). Il est possible de récupérer des PS en buvant des boissons PS qu'il faut acheter avec de l'argent réel. C'est le seul point noir, seul achat in app de tout le jeu, heureusement plutôt anecdotique et totalement dispensable. L'utilisation des PS est loin d'être indispensable mais peuvent servir en cas de secours après une attaque particulièrement violente d'un boss du jeu par exemple. L'ensemble rend le combat assez dynamique ce qui est plutôt agréable pour un jeu basé sur le tour par tour.
Pour pousser plus loin dans la conception du jeu et des combats, il faut voir le mécanisme de classes. Chaque personnage peut équiper une classe qui lui donnera un ensemble de compétences actives à utiliser pendant le combat et une compétence passive. Il est possible de choisir un ensemble de compétences actives supplémentaire d'une autre classe ainsi que des compétences passives débloquées. Chaque classe possède un niveau, de 1 à 14, différent pour chaque personnage, chaque niveau débloquant une compétence, active ou passive, et fonctionne comme un multiplicateur de caractéristiques. De plus, il faut considérer un niveau général du personnage, jusqu'à 99. On peut aussi compter sur une palette d'équipement, avec des armes à une ou 2 mains, des boucliers, un casque, une armure et une pièce d'accessoire. Il n'y a aucune restriction d'équipement mais les classes seront plus ou moins efficaces avec certaines armes ou armures. Il existe d'ailleurs une fonction optimum qui va chercher à monter différentes caractéristiques en fonction de la classe actuelle, très utile à moins de vouloir une combinaison spécifique. Chaque arme et bouclier a une modélisation visible sur le personnage, en combat mais aussi hors combat pour le personnage de l'équipe qui est visible, le premier de la liste, dont l'ordre est modifiable. L'armure, le casque ou l'accessoire ne sont pas visibles, car c'est la classe choisie qui donne l'apparence générale au personnage.
On en vient aux graphismes. La 3DS ne possède pas la carte graphique la plus puissante, mais cela ne l'empèche pas d'avoir un bon rendu. Les villes donnent une impression de peintures dans lesquelles on évolue. Une bonne idée de plus : lors des déplacements la vue est rapprochée du personnage mais après une petite pause la caméra se recule pour pouvoir admirer le paysage ou tenter de se repérer dans un labyrinthe. Ne croyez pas qu'on se perde trop facilement non plus, le jeu propose sur l'écran inférieur une carte qui se complète au fur et à mesure de l'exploration des différents donjons en affichant les coffres découverts, mais pas encore ouverts, les escaliers et les entrées/sorties. Si on devait trouver un défaut au jeu, on pourrait signaler qu'il n'est pas possible d'écrire sur la carte pour y laisser une note. Ce n'est pas vraiment utile, sauf dans de très rares cas, 3 ou 4 fois dans tout le jeu. Les donjons sont pas trop moches, avec pas mal de petits détails à observer. Il y a également presque un passage secret par donjon qui renferme un coffre, il faut foncer dans les murs pour réussir à les trouver, et souvent explorer toute une zone avant d'y arriver. La modélisation des personnages n'est pas vilaine non plus. Bien que loin d'être hyper réaliste, le choix pris pour la modélisation permet de reconnaitre les émotions, les costumes des classes sont soit stylés, soit mignons, soit déjantés, mais toujours bien agréables à l'oeil. Pour observer plus finement les personnages il y a 3 modes de "cinématique" utilisant le moteur du jeu. Dans un premier mode les personnages sont dans le décor environnant, ce qui permet de voir le placement de chacun. Le texte est alors visible dans des bulles dont la pointe, dynamique, indique quel est le personnage qui parle. Le second mode permet d'avoir une vue de coté plus rapprochée. Les personnages sont alignés, avec généralement une opposition gauche/droite, et le texte est en bas de l'écran avec le nom de celui qui parle. La vue rapprochée permet de profiter un peu plus des visages et des expressions de chacun. Enfin le 3e mode n'utilise pas la 3D. Il s'agit de scènes de discussions où seul le visage des intervenants apparait. Ces discussions, optionnelles, sont une autre bonne idée car elles permettent souvent de voir la vie à coté de l'aventure avec vos personnages qui racontent ce qu'ils mangent, ce qu'ils aiment dans une ville ou ce qu'ils ont fait pendant la nuit. Les dialogues sont remplis d'humour et d'anecdotes qui nous rapprochent de la vie des personnages. Il existe aussi les films en réalité augmentée dont il a déjà été fait mention et quelques petits films précalculés au début et à la fin du jeu.
Mais un film aussi bon soit-il nécessite forcément du son. Et la bande sonore de Bravely Default est très bonne. Chaque ville a son propre thème, il y a une musique pour les combats, deux pour les boss, plusieurs pour les donjons, en fonction de leur type, et une en extérieur. Il faut aussi prendre en compte la musique des coups spéciaux. Voilà une bonne idée sur les combats qui a été omise plus haut : selon l'arme de votre personnage, en remplissant des conditions, vous pourrez lancer des coups spéciaux. Ces coups, en plus de faire mal et d'avoir des bonus supplémentaires, déclenchent une musique plus ou moins épique pour quelques temps. Le temps de la musique indique celui où vous disposez des bonus, avec un petit effet visuel autour de vos personnages. Pour profiter plus longuement de ces bonus, il faudra déclencher un autre coup spécial avant la fin de la musique du premier, et vous aurez les 2 bonus cumulés le temps de la 2e musique. Vous aurez compris que le principe dure tant que vous lancez des coups spéciaux dans les temps, ce qui dynamise et intègre la musique au combat avec un petit coup d'adrénaline et de stress pour réussir à passer les coups au bon moment pour faire un maximum de dégâts. Côté son, il faut noter un doublage de toutes les cinématiques en dehors du mode discussion. Une fois n'est pas coutume, la version japonaise des voix est proposée en plus de la version anglaise. Les sous-titres sont disponibles en français ainsi que dans d'autres langues pour la version européenne.
Bravely Default réserve encore d'autres bonnes surprises, comme la possibilité de régler la difficulté à tout moment dans le menu. Il est possible de supprimer les gains d'expérience ou d'argent, de changer la difficulté des monstres ou la fréquence de leurs rencontres entre -100 et +100%, sachant que +50% donne déjà 3 à 4 fois plus de combats. Il y a aussi une cinquantaine de quêtes d'apprentissage qui donnent quelques objets communs en récompense. Si vous avez des amis qui jouent aussi à Bravely Default, il est possible de les enregistrer dans votre jeu et de les désigner comme mentor à l'un de vos personnages ce qui permettra d'utiliser les compétences débloquées par votre mentor. Si vous n'avez pas d'amis, le jeu crée des bots qui serviront d'amis et qui évoluent avec le temps qui passe. Il est possible d'inviter des personnes par street pass mais également une fois par jour via internet. Chaque invitation permet aussi d'utiliser un coup qui aura été transmis par l'autre joueur. Vous pouvez vous-même envoyer un coup à quelqu'un d'autre. Cela ne coûte rien, il faut juste sélectionner l'option d'envoi, en combat, avant de sélectionner l'action à exécuter. Cette action se réalise pour votre combat mais sera aussi disponible pour tous ceux qui vous inviteront. La difficulté du jeu est plutôt bien dosée, pour une durée de vie proche de 90 heures, moins si vous évitez les quêtes annexes. Il n'y a que peu de farming : 2 ou 3 heures maximum et encore c'est loin d'être nécessaire.
Une activité parallèle intéressante est la reconstruction du village englouti au début de l'aventure. Pour chaque personne invitée vous disposez d'une ressource à placer sur les échoppes ou sur des obstacles. Les échoppes gagnent des niveaux et permettent soit d'acheter des objets et des armes en plus, soit de débloquer des coups spéciaux et leurs améliorations. Pour l'achat des objets il faudra passer par l'aventurier qui est un mystérieux personnage qui fait office d'échoppe et de point de sauvegarde dans les villes et les donjons. Le village est également régulièrement envahi par des colosses qui sont en fait des boss optionnels, sorte de défis, envoyés par Square Enix ou par vos invités. Il peut y en avoir jusqu'à 7 et vous avez la possibilité de les verrouiller pour les combattre plus tard ou d'en envoyer un, ce qui ne le fera pas disparaitre mais permettra à ceux qui vous invite de le combattre également. Après avoir passé quelques temps à parcourir le monde à pied vous disposerez d'un aéronef qui vous permettra des déplacements rapides sur la carte. Il possède même un mode pilotage automatique pour vous amenez à une ville ou un donjon particulier. Le grimoire qui raconte le déroulement de l'histoire et que possède l'un de vos personnages est consultable à tout moment. Il fait aussi office de mémoire avec un bestiaire des monstres rencontrés, un index de toutes les armes et armures que vous avez trouvées, diverses notes, l'ensemble des discussions et cinématiques déjà vues, avec la possibilité de changer la langue, et d'autres informations encore. Une idée assez originale est la possibilité de jouer avec une seule main. Il est en effet possible de n'utiliser que la main gauche, en se déplaceant avec le stick analogique et en utilisant la croix directionnelle pour changer de sélection dans le menu, annuler ou valider un choix. Ce n'est pas l'utilisation la plus confortable mais c'est une fonctionnalité de plus qui pourrait toujours servir en cas de besoin. Une autre bonne idée est la possibilité d'accélérer les animations du combat pendant le déroulement d'un tour. Il est possible de voir en x1, x2 et x4 le déroulement du tour. D'ailleurs, en remplissant le combat avec certaines conditions il y a des bonus à la fin. Finir un combat en un tour rapporte plus d'expérience aux personnages, le finir sans subir de dégâts rapporte plus d'expérience aux classes et éliminer plusieurs ennemis avec une attaque rapporte plus d'argent. Et si les bonus sont remportés plusieurs combats à la suite, l'effet augmente pour passer de 10% à 25% puis 50% de bonus. A chaque fois que vous ouvrez le menu vous pourrez voir la petite fée avec un message en fonction du lieu où vous êtes et de l'avancement dans l'aventure. Elle vous encouragera à poursuivre l'aventure ou boudera si vous restez dans un donjon pour une quête annexe, elle indiquera qu'elle a trop chaud dans un volcan ou un désert, ou trop froid dans une zone glaciale, etc. Et en plus elle suivra votre doigt ou votre stylet si vous utilisez l'écran tactile. Le jeu inclus aussi un cycle jour/nuit. La nuit vous rencontrez des zombies et des fantômes à l'extérieur à la place des monstres habituels. Les personnages dans les villes ne seront pas au même endroit selon que vous y aller de jour ou de nuit. Et cette liste bien longue est sûrement encore incomplète !
Verdict : 10/10
Ce test est long parce que le jeu est tellement riche et passionnant qu'il est difficile d'en parler rapidement. Il y a beaucoup de bonnes idées très bien organisées entre elles. Square Enix nous propose ici un retour aux sources magistralement orchestré ! Le jeu dure un peu moins d'une centaine d'heure si l'on profite des quêtes annexes, un peu plus si on passe du temps sur les boss défis qui sont régulièrement renouvelés (avec une connexion internet). Voilà un petit chef d'oeuvre que tout fan de RPG possesseur de Nintendo 3DS devrait avoir dans sa ludothèque.
Le succès du jeu est tel que Square Enix envisage de revoir sa façon de concevoir ses RPG ce qui est plutôt bon signe.
Bravely default a été développé par Silicon Studio (en collaboration avec 5pb.) et édité par Square Enix sur Nintendo 3DS. Une première version est sortie au Japon le 11 octobre 2012. La seconde version, distribuée mondialement, est sortie le 5 décembre 2013 au Japon, le 6 décembre 2013 en Europe et le 7 février 2014 en Amérique du nord.
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