Alors que l'on a souvent tendance à associer Japon et RPG, la présence de jeux d'actions japonais sur notre marché s’en voit souvent sous-estimée voire oubliée.
Grasshopper Manufacture, studio de développement aujourd'hui bien implanté dans le marché, à défaut d’avoir convaincu unanimement un public devenu exigeant, a su marquer les esprits avec des titres pour le moins originaux.
Leurs points communs ? Des scénarios complètement déjantés auxquels même Tarantino n'aurait pas pensé.
Zoom sur...
Goichi Suda, producteur et scénariste pour le moins charismatique.
Si Suda 51 de son surnom – « 51 » se prononçant « Go-ichi » en Japonais - s'est fait un nom dans le milieu du Jeu Vidéo, il le doit principalement à son inventivité en matière de scénario et d'univers.
Fondateur de Grasshopper Manufacture en 1998, Goichi Suda se démarque en osant proposer du trash, véritable pilier de ses titres. Choix probablement lié à son ancien métier de… Croquemort, qu'il quitte par lassitude au profit de professions laissant davantage place à sa crétivité débordante. Une influence aussi surprenante qu’efficace, à n'en pas douter.
Killer 7
Premier bébé de Goichi Suda, Killer 7 met en scène Harman Smith dans un contexte géopolitique désastreux au Japon, où le pays se voit menacé de destruction.
Sorti en 2005 sur Gamecube, Killer 7 fait partie de ces titres qui mettent en valeur l’immense capacité du Jeu Vidéo à nous plonger au sein d’un univers extrêmement riche.
Alors que l’opposition entre JV et littérature / Septième Art perdure (la violence cinématographique, à titre d’exemple, demeure dans les consciences collectives moins « dangereuse » que la violence dans le Jeu Vidéo), Goichi Suda parvient à « marier » ces trois formes d’art de manière brillante.
Ainsi, l’on retrouve quelques clins d’œil aux productions signées David Lynch (Twin Peaks, Lost Highway) ou autres Mangold.
K7 s’appuie sur un scénario dense au possible, caractérisé par les sept personnalités du héros. Schizophrène, Smith dispose de la capacité de se transformer en sept personnages totalement différents, d’où une progression très variée au cœur d’un système de jeu tout aussi particulier.
Ici, pas d’exploration, mais une focalisation totale sur l’évolution de la trame. De fait, le titre se présente comme un railshooter alliant savamment combats et énigmes. On dénote même un aspect RPG : plus l’on répand et récolte le sang des ennemis, plus l’on peut créer de sérum permettant d’obtenir et améliorer aptitudes et capacités.
L’œuvre s’avère donc rythmée et immersive, son OST contribuant également à l’établissement d’une atmosphère atypique, à la fois sombre, jouant avec la psychologie du joueur et tendant parfois même vers le malsain.
Evoquons finalement le style graphique, lui aussi original puisque reprenant les codes des Comics, et parfaitement adapté. D’ailleurs, force est de constater que la plupart des titres de l’époque ayant opté pour des graphismes crayonnés ont bien vieilli.
No More Heroes
En nous mettant dans la peau de Travis Touchdown, un fan d’animés japonais à la coiffure toujours impeccable, Grasshopper Manufacture confirme ses talents.
Si le scénario peut décevoir les adeptes de Killer 7 de par sa simplicité, avec l'objectif de devenir le tueur n°1 de la ville de Santa Destroy, le titre n’en demeure pas moins extrêmement jouissif et fun, que ce soit au pad ou à la WiiMote.
La progression, forcément moins haletante que l’œuvre K7, parvient à être prenante, en particulier à l’appui de bossfights qui clôturent de façon épique chacun des dix chapitres du jeu.
L’ambiance globale du titre contribue également à cela, avec un style graphique en Cel-Shading qui, décidément, sied parfaitement aux productions Grasshopper, et un ton au second degré totalement assumé.
Une suite voit le jour quelques années plus tard, avec le même héros, les mêmes mécaniques de jeu, la même atmosphère complètement barrée, et s'avère également réussie.
Certes moins complexe et marquant, on le repète, que Killer 7, No More Heroes reste un double trip prenant qui vaut la peine d’être vécu.
Shadows of the Damned
Rien que sa devise - « avant que tu crèves, je vais graver mon nom dans ta glotte » - le prouve : Garcia Hotspur, héros de ce Shadows of the Damned, en a dans le calbute.
Et quand le maître des démons kidnappe sa blondasse, l’espagnol se surpasse. Pour tuer tous ces "motherfucking" démons, Garcia se sert de Johnson, un crâne aux répliques cultes, capable de se transformer en moto et – surtout - en guns. Si le scenar’ se veut basique mais reste efficace, tout l’univers du titre, alliant horreur et humour fou, constitue son intérêt principal.
Avec ses nombreuses allusions au sexe, ses niveaux aux designs variés et ses nombreuses excellentes idées, Shadows of the Damned vaut le détour.
Lire le test de Shadows of the Damned
Lollipop Chainsaw
Reprenant l’humour pervers de Shadows of the Damned, Lollipop Chainsaw pousse le bouchon encore plus loin en vous faisant incarner Juliet Starling, cliché parfait de la jeune blonde pom pom girl peu instruite. La belle va vivre un 18ème anniversaire des plus mouvementés, puisque des zombies enragés ont dévasté son quartier. Heureusement, notre blonde à forte poitrine, chasseuse de chairs putréfiés, répond présente pour les éradiquer.
Là encore, les répliques 18+ sont à l’honneur, de même que les vannes à pleurer de rire… On se souviendra longtemps des « J’AI DES HEMORROIDES ! » ou autres « J’ai une chanson de Katy Perry dans la tête ! Quelle mort atroce… » proliférés par les zombies avant de mourir.
Nick, le petit copain de Juliet dont il ne reste que la tête (accrochée au shorty de sa meuf, c’est sexy) ne déroge pas à la règle avec son « j’ai la tête coincée dans ton cul… ». Alors oui, c’est un humour particulier, qui fera grincer des dents les esprits coincés. Si tant est que l’on aborde le jeu au second voire au troisième degré, le titre se laisse apprécier.
D’autant qu’enchaîner les combos se veut aussi facile que jouissif. En outre, ce Beat Them All s’avère bourré de QTE pour une fois pas trop déplaisantes, surtout lors des bossfights.
Killer is Dead
Dernière production en date, Killer is Dead nous met dans la peau de Mondo Zappa, tueur de criminels, qui alterne entre arme à feu et arme blanche - tout comme dans Lollipop Chainsaw - pour faire le ménage sur son passage. Si le maniement du katana rappelle d’ailleurs fortement un certain Travis Touchdown, l'univers du titre s'avère encore plus déjanté que ce qui a été fait auparavant.
Outre les missions Gigolo perverses à souhait, on retrouve avec plaisir un bestiaire complètement barré, et une mécanique de jeu relativement similaire à Lollipop Chainsaw puisque basée sur des combos.
Et là où certains lui reprocheront ses incohérences et sa linéarité, aux vues de l'ambiance du titre qui parvient une nouvelle fois à charmer, l’aventure se laisse tenter.
Qu'on apprécie ou non les univers particuliers créés par Grasshopper, on ne peut que saluer la diversité que leurs oeuvres, parfois brillantes, souvent hilarantes et toujours haletantes, apportent au monde vidéoludique. Du Goichi avec un grand G.
Auteur : Vincent Botella
ChroniqueurPassionné de Jeu Vidéo depuis l'avènement de la Playstation, l'incroyable richesse du monde vidéoludique, ainsi que son immense diversité, a su me séduire. Grand amateur de cinéma, adorateur de Lynch pour le chef d’œuvre qu'est Twin Peaks. Let's take a damn fine cup of coffee.
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