Quand on écrit un article un peu élaboré sur une affaire aussi sulfureuse que la suppression pure et simple de jeux sur une plateforme propriétaire, on s'attend forcément à ce que cela fasse réagir. Ces derniers jours ont été l'objet d'une tornade de réactions plus ou moins mesurées, allant du pamphlet anti-capitaliste aux tirades de soutien à l'éditeur. Afin de mettre les choses au clair suite à notre dernier sujet polémique, il va me falloir recadrer le débat, et considérer qu'Ubisoft n'est en l'occurence qu'une multinationale comme les autres.
La clé des chants
Les choses ont bien évolué depuis la publication de notre premier article : on a d'abord appris que les clés visées par la suppression massive de jeux sur Uplay avaient été produites illégalement, achetées sur Origin avec des "informations bancaires frauduleuses". Ubisoft, fort de cet "éclairage de la plus haute importance", a commencé par expliquer à ses clients qu'ils devaient se retourner vers G2A ou Kinguin (les sites revendeurs, chose qui a été faite par certains consommateurs), ou passer par leur banque pour récupérer leur mise.
Dans un deuxième temps, on a appris qu'Ubisoft avait "trouvé un terrain d'entente" avec ses clients, à savoir que l'éditeur avait tout simplement décidé de rendre leurs produits aux joueurs qui avaient été lésés (tout en confirmant la désactivation des clés achetées mais non encore utilisées). Le Français indique tout de même qu'il continuera sa politique de chasse aux sorcières, et conseille à ses clients d'acheter leurs jeux sur des sites "de confiance". Mais comme le relevait un confrère il y a quelques jours, comment l'utilisateur fait-il pour reconnaître un site de confiance?
Et surtout, pourquoi est-ce que je persiste dans mon propos contestataire, maintenant que nous sommes arrivés à une happy end?
On touche, on casse, on paye
Je voudrais d'office revenir sur ce qui aurait dû être la seule chose à retenir de mon papier : Quand Ubisoft a supprimé les accès aux jeux achetés illégalement, il n'a évidemment pas récupéré l'argent perdu. D'autant qu'il est difficile d'imaginer que beaucoup de joueurs auraient racheté un jeu qui venait de leur être confisqué, plein pot.
Il s'agissait donc, pour Ubi, de se "rendre justice" et par extension d'inciter les joueurs à changer leurs comportements d'achat. Or soyons clairs : cela ne marchera pas. L'absence de pédagogie en amont (et même en aval, la communication ayant été lacunaire jusqu'à la restitution des jeux) fait que, de toute façon, entre les joueurs décus, ceux qui recommenceront par esprit de revanche ou parce qu'ils n'ont pas les moyens et ceux qui n'ont toujours pas compris pourquoi ils ne pouvaient plus jouer, la proportion de clients qui auraient (et vont) abandonner ces plateformes pour se réfugier dans les bras musclés d'Amazon est absolument infime.
Pourtant il est difficile de voir l'affaire autrement. Ubisoft a essayé de convertir par la force.
Aux bains des bois
Et cela ne risque pas de fonctionner, à cause même de ce que les éditeurs mainstream (et Ubisoft dans ce cas précis) ont contribué à créer : appelons cela le syndrome "Robin des Bois". Il y a vingt ans quand vous achetiez un jeu, vous payiez pour un software fonctionnel Day One, programmé par un petit groupe de passionnés, de pionniers même, que vous accompagniez dans la grande aventure du jeu vidéo moderne. Aujourd'hui, et c'est un lieu commun de le dire, la plupart des jeux "AAA" (dont le prix n'a jamais cessé d'augmenter) ont été conçus par une myriade d'anonymes dont le représentant (la hotline) se situe au Gabon, le produit étant vendu en dématérialisé, incomplet, rarement fonctionnel en 1.0, et sans ses futurs DLC payants.
Comme le cinéma, donc, (et même si j'admets que mon paragraphe précédent est une grossière généralisation empirique) l'industrie du jeu vidéo est devenue progressivement une de ces entités globalisées sans visage que l'on aime autant qu'on la déteste, souvent de manière simultanée. Les scandales répétés de jeux mal ou pas finis, jamais ou peu patchés, ont émaillé ces dernières années sans que le mouvement ne cesse de s'amplifier, comme nous vous en parlions l'année dernière. Les gros éditeurs, côtés en bourse, sont donc tout simplement vus par beaucoup comme n'importe quel autre groupe d'oligarques avides, dont la considération pour les joueurs ne dépend que du profit qu'ils peuvent en tirer.
Maintenant, autorisons-nous une question qui, à l'éclairage de cet article, n'est pas sans lien : qui, aujourd'hui, est un fervent défenseur et supporter d'HADOPI? Levez la main, je compte. Trois, avec Monique.
Monique contre les gamers
Imaginer aujourd'hui que reprendre aux joueurs leurs accès à des jeux acquis par des moyens détournés (mais toujours légaux, en ce sens que l'utilisateur final ne saurait être poursuivi en justice par Ubisoft) va permettre une prise massive de conscience, provoquer une réaction positive de la part des joueurs, c'est imaginer qu'à chaque fois que le programme HADOPI épingle un contrevenant, tout le web Français se lève pour crier "Bien fait ! Voleur !"
N'en déplaise aux quelques esprits étroits dans les parages, le monde actuel est ainsi fait. Je vais radicaliser mon discours précédent pour être plus proche de la réalité et moins démagogue : les jeux aujourd'hui sont trop chers pour le contenu qu'ils proposent, et dans ces circonstances, G2A et consorts font office de Robin des Bois modernes.
Les esprits éveillés se doutent qu'il y a un truc quelque part en achetant des jeux bradés, mais au final peu importe. Quand CDiscount vendait des DVD neufs à deux ou trois euros il y a dix ans, on partait du principe que si on les laissait faire c'est que c'était légal. Dans nos sociétés et encore plus depuis le mouvement des 99%, on a rarement ou peu de sympathie pour les multinationales et autres lobbys industriels, et demander au consommateur d'avoir de l'empathie pour Total, BNP Paribas ou Ubisoft c'est être à des années lumières de la réalité des "petites gens", ces gens que ces compagnies peinent tant à comprendre.
Je vois d'ici revenir les quelques colériques qui m'avaient interpellé précédemment : je ne fais ici ni l'apologie du vol, ni du piratage. J'essaye de poser le constat pourtant évident que demander aux joueurs de payer leurs jeux plus chers pour gonfler un bilan semestriel, alors que des sites ayant pignon sur rue proposent les mêmes softs à prix cassés, est une entreprise vaine. Que si les gens peuvent payer moins cher, ils le feront toujours. Et je suis prêt à parier qu'on enterrera pas G2A de si tôt.
Auteur : Adrien Martel
Rédacteur en ChefAncien correspondant de presse, passionné de musique et de nouvelles technologies, partage son temps libre entre les voyages, le Standalone Post et la Wii U
Commentaires
Y'a vraiment des gens qui ont soutenu Ubi dans leur croisade "Je supprime les jeux des comptes" ?
Sinon y'a pas un risque d'être "receleur" quand tu achètes un bien volé ?
Sinon d'accord sur les jeux pas finis, surtout chez Ubi (dans mon expérience perso).
Oui Gilles il y en a, il suffit de regarder les commentaires de mon précédent article!
Je ne pense pas qu'on puisse t'accuser de recel car tu peux plaider avoir été trompé. Tu n'as pas acheté sciemment de la marchandise volée, n'importe quel avocat peut je pense prouver facilement que tu as été dupé.
C'est peut-être pas si mal que les jeux ne soient pas donnés.. Personnellement, j'achète mes jeux 4-5 mois après leurs sorties.. Je les paies 40 à 50% moins chère.. Ils sont en général corrigés via mise à jour et attendre un peu me permet de finir les anciens... Pourquoi sortent t'ils les jeux à la va-vite, des suites toujours plus rapide à sortir et des jeux toujours aussi buggé... Parce qu'à la sortie du jeu, il font 75% du bénéfice de celui-ci durant le 1er mois...
C'est exactement comme bien bouffer ou bouffer de la merde.. Il faut préférer la qualité à la quantité... Après ce n'est que mon umble opinion..
Une opinion que je partage, si j'étais plus raisonnable je ferais comme toi ;)
Merci pour cet article.
G2A fait et fera toujours le maximum pour satisfaire ses clients.
Si vous voulez entrer en contact avec G2A, n'hésitez pas à revenir vers moi via l'adresse mail que j'ai laissé.
Bonne journée !
Matthieu
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