Il existe un parallèle aisé à utiliser qui permet de relier l'industrie vidéoludique et celle du catch : l'existence de champions factices dont l'existence repose entièrement sur l'investissement réalisé par leurs patrons afin de tenter d'en faire des stars. Le public n'est pas particulièrement impressionné par leur performance, leur capacité à attirer les foules n'est pas phénoménale; mais, bon sang, la compagnie a déjà tellement investi dessus qu'il n'est pas question de faire demi-tour. inFAMOUS est de cette catégorie : un de ces champions de papier dont nul ne sait s'il faut les huer ou les applaudir.
L'idée est pourtant louable : tenter d'occuper le terrain super-héroïque avec un jeu bien réalisé pour faire face aux titres de basse qualité proposés par les propriétaires de licences et leurs produits dérivés. Le fait est que les utilisateurs de simulateurs vidéoludiques de situations super-héroïques - ou S.V.S.S., pour faire court - ne cherchent pas seulement à recréer les capacités de leurs héros favoris. Non, ils veulent les incarner. Participer à leurs aventures. Or, personne ne veut réellement endosser la peau du héros de cet inFAMOUS. Nul ne veut être Delsin Rowe, le Peter Parker du pauvre qui a échangé le noble charisme d'une charge morale contre le fait d'être un grapheur un peu branleur pas vraiment drôle aux pouvoirs un peu péraves et aux pantalons très très moulants.
Second Son - paradoxalement le troisième du nom - fait de son mieux pour mêler un intimisme pompé dans Misfits et une remise à zéro sélective de l'univers de la série. Et cela tout en proposant précisément le même gameplay que celui que vous auriez pu trouver dans les opus précédents. Dire que la série de Sucker Punch fait du sur-place serait un euphémisme. Elle recule lentement sur ses propres pas tout en se frappant le crâne en cadence sur chaque poteau kilométrique placé sur son chemin. On l'entend murmurer tout au long du trajet ses points de vente : moteur 3D nouvelle génération capable de faire tourner une version minuscule de Seattle en 1080p, SCHBONK, motion-capture et doublage pour tous les personnages principaux, SCHBONK, un mini-jeu pas nul où l'on taggue des trucs, SCHBONK, plein d'autres surprises. SCHBONK.
Malheureusement se frapper le crâne aux quatre coins de la map n'aide pas à faire un bon jeu. Surtout que le titre qu'ils tentent de remettre au goût du jour par l'application d'une couche de peinture des plus cosmétiques n'a jamais vraiment été fameux. Pas infâme non plus, hein, n'allez pas me faire écrire ce que je sous-entends à peine. Mais pas exceptionnel pour autant. Les jeux de plate-forme en mode bac-à-sable; c'est déjà assez suranné de nos jours. On s'attendrait presque à ce qu'ils soient extraordinaires s'ils tentent encore de faire valoir cet artifice pour justifier leur existence. Or, Second Son n'est qu'une simple transposition moderne de ce que les deux dernières tentatives étaient : un jeu acceptable dont le moins bon composant a toujours été le gameplay.
En six ans, ils n'ont pas avancé d'un pouce. Pas d'un. Les déplacements sont toujours aussi imprécis. Les pouvoirs proposés sont amusants un instant… mais lassent rapidement tant ils semblent génériques. Le scénario reste sympathique mais articulé autour du traditionnel gimmick de la série - vous pouvez choisir d'être très très gentil ou très très mauvais - le tout donne l'impression d'un mauvais épisode d'une de ces séries friquées qui prétendent ne pas repomper les X-Men page par page. Le seul avantage de ce titre par rapport à ces prédécesseurs est esthétique. Le jeu est magnifique et reste probablement l'un de ces rares titres de lancement qui font honneur à leur plateforme. Mais est-ce suffisant à notre époque?
inFamous: Second Son un jeu Sucker Punch Productions dirigé par Nate Fox et produit par Bryan Flemin. Musiques de Nathan Johnson. Publié par Sony Computer Entertainment en Mars 2014 sur PS4.
Pour un jeu où des mutants dotés de pouvoirs phénoménaux font exploser des choses à grands renforts de pyrotechniques, il est assez ironique de se rendre compte que Second Son a tout simplement oublié d'évoluer. Alors, autant l'admettre, il est égal à ses ancêtres. Mais l'on était en droit d'attendre mieux.
VERDICT : 6/10
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