5 raisons qui font de la Dreamcast la meilleure des consoles ratées

Une console est soit un grand succès commercial, soit un échec cuisant : il y a rarement de demi-mesure. Si vous avez suivi notre top 5 d'hier, vous savez que le naufrage de la Dreamcast (qui mérite à lui seul un vaste dossier) est principalement expliqué par les errements de SEGA dans les années 90, ainsi que par l'annonce de la Playstation 2 qui a l'époque était extrêmement attendue. Pourtant, tous les joueurs qui ont mis la main sur une Dreamcast en ont un souvenir impérissable, et beaucoup ont encore cette console quelque part chez eux. Pourquoi? Parce que cette machine n'était pas bonne, elle était révolutionnaire ! Et cet article est là pour vous rappeler que si l'innovation peut être la clé du succès, le consommateur quant à lui peut être très rancunier une fois qu'il a été trahi.

 

Un hardware hors du commun

Quand SEGA annonce travailler sur sa nouvelle console en 1996, elle prend un avantage sensible sur ses concurrents qui viennent tout juste de sortir leurs systèmes (la Playstation en 1995 et la Nintendo 64 en 1996). De ce fait, elle peut non seulement constater les défauts évidents des deux machines, mais aussi améliorer des idées existantes. Cela se traduira au lancement en 1998 par un hardware digne d'une machine de guerre. La Dreamcast, première console 128 bits du monde, tourne à 200 MHz, et sa mémoire principale de 16Mo (quatre fois plus que celle de la Nintendo 64) est couplée avec une mémoire vidéo et son dédiée (8 Mo/2 Mo). Elle peut générer 7 millions de polygones bruts par seconde, contre 360.000 pour la Playstation qui tourne à 33,8 MHz. Si l'écart en terme de graphismes est abyssal, ce n'est pas le seul atout de SEGA. Dans le but d'augmenter la capacité des disques de jeu et de bannir la contrefacon (fléau de la Playstation), elle crée un lecteur spécifique à sa console, le GD-ROM. Ses disques, pouvant contenir jusqu'à 1,2 Go de données, sont un mélange entre le CD et le DVD. Ils étaient en théorie illisibles sur un lecteur d'ordinateur et donc virtuellement impossibles à falsifier. Dernier point, et non des moindres : la Dreamcast utilise Microsoft Windows CE, ce qui rend la conception et le portage des jeux bien plus aisés pour les éditeurs tiers.

Les fondements de la manette moderne

Si Sony, peu après la sortie de sa Playstation, saisit l'intérêt des sticks directionnels dans un monde où les jeux en 3D vont devenir la norme, SEGA va pousser le concept encore plus loin. La manette de la Dreamcast, en plus d'être un exemple d'ergonomie et de légèreté, inclut pour la première fois des gâchettes analogiques, c'est à dire des gâchettes dont vous pouvez gérer la pression. Un responsable de la firme dira au lancement de la console : "En voiture, vous n'êtes pas "à fond" ou "à l'arrêt" en permanence. Dans le jeu aussi, vous avez besoin de moduler vos actions. C'est dans ce sens que nous avons travaillé sur les gâchettes de la Dreamcast." Si l'application va se trouver principalement dans les jeux de course automobile, le positionnement du sitck, des boutons et du pad restent un modèle souvent copié et rarement égalé dans le monde du jeu vidéo de salon. Et le mieux dans tout ca, c'est la manière dont ils ont transformé certaines contraintes matérielles en atouts de gameplay.

Une gamme d'accessoires riche et originale

Souvenons-nous que le succès de la NES entre 1985 et 1987 tient en partie à l'imagination débordante des ingénieurs de chez Nintendo, qui grâce au pistolet de Duck Hunt ou au robot de Gyromite ont propulsé leur système en tête des ventes. SEGA saura insuffler cet esprit à sa Dreamcast en surfant sur les passions du moment. A une période où les jeux de pêche sont très populaires (et particulièrement chez les joueurs occasionnels, souvent laissés pour compte) , l'américain produit une canne compatible avec la Dreamcast, vous permettant de jouer à Sega Bass Fishing comme si vous y étiez. Le Densha de Go! vous permettra lui de conduire un train de manière réaliste. Mais ces gadgets ne sont pas la seule réussite de SEGA.

Des accessoires aussi variés qu'une carte mémoire
avec écran ou un pad pour piloter le train.

Les contraintes techniques de la fin des années 90 rendant quasiment obligatoire l'utilisation de cartes mémoire pour sauvegarder ses parties, SEGA décide de joindre l'utile à l'agréable, en faisant de ses cartes des consoles dans la console. La VMU (Visual Memory Unit) se glisse en haut de chaque manette et pourrait être considérée comme un lointain ancêtre du Game Pad de la Wii U. Dôtée de quelques boutons et d'un écran à cristaux liquides, elle vous permettait, en plus de gérer les sauvegardes, d'intéragir sur le jeu de manière indépendante des autres joueurs, pour choisir discrètement une cible par exemple. Fonctionnant même sans la console, la VMU vous permettait par exemple d'entretenir un petit animal virtuel à la manière d'un Tamagotchi.

Un catalogue de jeux extraordinaire, dès le lancement

C'est devenu fréquent, et c'est tout l'intérêt de produire à la fois la machine et les jeux qui vont dessus : un lancement de console est souvent plombé par l'absence de grosses licences pour l'accompagner. Malgré le fait qu'EA ait décidé d'arrêter de travailler avec SEGA dès la Saturn (suite au trop grand nombre de consoles lancées sur les marchés américains et européens, puis abandonnées), la firme au hérisson n'a aucun problème à offrir aux amateurs de Day One de quoi satisfaire leur appétit de hitsSoul CaliburSonic AdventureMarvel vs. Capcom ou The House of the Dead 2 ne sont que quelques exemples des softs vendus au lancement.

Mieux encore, obligée de compenser la désertion d'EA dans le domaine des jeux de sports, elle créera la série 2K qui s'avèrera si réussie qu'elle est encore aujourd'hui un des acteurs majeurs dans le secteur. Dernier point dont l'abandon de la Dreamcast a amoindri la portée : le crossplatform. Avec plusieurs années d'avance encore une fois, la console vous permettait de vous connecter à votre Neo-Geo Pocket Color afin de profiter d'interactions entre les deux systèmes.

Internet !

Aussi fou que cela puisse paraître, à une époque où Internet reste très couteux, lent et difficile d'accès, SEGA anticipe le mouvement et propose la première console vraiment connectée. Elle se dote ainsi d'un port Ethernet, d'un navigateur web, et crée même son propre fournisseur d'accès, SEGA Net. Viendront par la suite un clavier et une souris afin de rendre l'utilisation de l'ensemble plus agréable, et un portail, DreamArena, permettant d'accéder aux pages web des jeux que vous possédez. Evidemment, le monde n'est pas prêt pour cette technologie dont l'usage est encore très anecdotique et coûteux pour le grand public. De plus, si vous étiez un des chanceux à posséder Internet, vous possédiez donc forcément un ordinateur et n'avez que peu d'intérêt à consulter vos mails sur une console ou à investir dans un ensemble clavier et une souris spécifique.

 

Après l'annonce de la sortie de la Playstation 2, malgré des premières mois phénoménaux en terme de ventes, SEGA abandonnera définitivement sa Dreamcast et la fabrication de consoles de jeux. Il s'en sera écoulé un peu plus de 8 millions d'exemplaires dans le monde. Pourtant, tous les ingrédients étaient là : audace, performances, nouveautés et catalogue de jeux. SEGA tentera bien de vendre son âme au diable, en divisant le prix de la console par deux d'abord, puis en l'offrant littéralement en échange d'une souscription à SEGA Net. Le coup de génie de l'américano-japonais sera arrivé au pire moment possible, et surtout après bien trop d'errements. Cependant elle reste une des consoles qui a marqué plusieurs générations de joueurs, et des développeurs indépendants produisent toujours en 2014 des jeux ainsi que quelques accessoires pour une console qui, du fait de son excellente conception, a très bien vieilli. Tous ceux qui ont possédé un jour une Dreamcast la traitent aujourd'hui avec beaucoup de respect, comme une vieille dame pour qui à une époque, on n'aurait pas montré assez d'égards, une artiste avec qui le public aurait été injuste.

Le nombre de mods, accessoires et jeux non officiels produits encore aujourd'hui montre
l'attachement du public à cette machine

Adrien Martel

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Commentaires

Portrait de Zenobble

J'ai vraiment aimé lire cet article, bien joué Adrien. Je n'ai pas eu cette console, mais pourquoi pas la découvrir aujourd'hui, je vais aller fouiner les sites d'occaz. :)

Portrait de nitneuk

Vous mettez trop de contenu j'ai pas le temps de tout lire !!! Super article

Portrait de Chaz Kramer

Quels sont les errements de SEGA que tu dis etre la conséquence de l'échec de la dreamcast ?

Portrait de Adrien Martel

Essentellement sa politique qui a été de sortir un nouveau système ou une expansion, toujours hors de prix, tous les deux ans, et de ne jamais les soutenir. Je pense particulièrement au 32x et à la Saturn

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