Piranaking est un studio indépendant parisien qui participait à sa première Gamescom pour présenter son premier jeu, LAST FIGHT. Un « versus-fighting » à la Power Stone, dans un univers bien barré et déjà très riche : vous allez vite comprendre pourquoi…
I - Mais qui se cache derrière Piranaking ?
Piranaking est un très jeune studio de développement de jeux qui arrive avec son premier projet, et pas des moindres : LAST FIGHT. Un jeu de baston 3D, prévu pour janvier 2016, sur PC, Wii U, PS4 & XboxOne.
Il faut qu'on vous fasse un aveu, ce sont le logo et les quelques illustrations, diffusés sur internet, qui ont de prime abord accroché notre regard. Un jeu de baston ? Bien, on adore. Un studio indé et inconnu au bataillon qui s’expose à la Gamescom ? C'est encore plus intéressant !
Entre deux bastons, nous avons pu nous entretenir avec Thibaud aka « Trex », développeur du jeu. Quelques minutes seulement après notre arrivée, il annonce travailler avec Bastien Vivès. Voilà pourquoi l’univers et les graphismes avaient ce goût de déjà vu, nous apprenons avec surprise que Piranaking, LAST FIGHT, Bastien Vivès et Lastman, tous sont liés !
Assis devant la jolie borne décorée aux couleurs du jeu, nous prenons place aux côtés de Trex pour entrer dans le vif du sujet et comprendre la génèse de Piranaking et de LAST FIGHT.
«On a monté Piranaking officiellement l’année dernière, en mai, mais on bossait sur LAST FIGHT depuis deux ans sans avoir de structure, sur notre chômage et sur notre temps libre le soir après le boulot. On bosse dans l’atelier MANJARI où se trouvent Bastien VIVÈS, Yves BALAK et Michaël SANLAVILLE ».
Piranaking est un studio « indé », terme qui est désormais dans toutes les bouches. Mais le terme indépendant et devenu vague, nous avons donc demandé son avis au studio quant à son statut : « Nous sommes indés dans le sens où on a retourné cette idée pendant un an. On a longuement réfléchi et on s’est dit qu’on n’aurait pas les sous, ni les ressources, comme un modeleur par exemple. On a pensé que ce n’était pas la peine et on a failli lâcher l’affaire. »
Face à ce difficile constat, Piranaking a commencé à rechercher des aides, comme des subventions de l’état. « Notre but était de ne jamais avoir d’éditeur. On voulait avoir cette liberté artistique, pouvoir du jour au lendemain avoir une idée géniale et dire : on va enlever ça. Changer librement de direction, passer d’un 2 vs 2 à un 3 vs 3 par exemple. ».
Une liberté créatrice, une réactivité, un dynamisme qui, selon Trex, sont plus compliqués à maintenir avec un éditeur. « Il a son mot à dire », et une fois certaines conditions établies on ne peut pas revenir dessus. Pour leur premier jeu, le studio avait une autre ambition : « on veut que ce soient nos idées et que ça nous ressemble. Faire un jeu qu'on aime, un truc fun ». Le studio préfère travailler seul sur le projet, sans passer par la case éditeurs, distributeurs ou autres services : « On voulait faire un jeu, s’amuser à le faire et s'amuser à y jouer. Mais une fois qu’on dispose d'un "produit " les gens commencent à s'y interesser, et ils veulent prendre 15% au passage. Puis Steam prend des marges aussi, pour un jeu sur lequel au final nous avons passé plus de 3 ans et demie ». LAST FIGHT est vraiment le "bébé" de Piranaking, ils veulent le porter et l'élever le plus loin et le plus haut possible, à la force de leurs bras.
Cette volonté d'indépendance se traduit sous d'autres formes : « Le concept c’est qu’on puisse diriger totalement les idées de création, mais aussi décider des plateformes sur lesquelles on veut sortir le jeu, à quelles dates, dans quel ordre...». Le jeu sort sur PS4/XboxOne/Wii U et PC, et nous étions curieux de savoir comment une si jeune structure avait pu obtenir tant de kits de développement, souvent coûteux Trex nous le confirme, cela demande «beaucoup de démarches et énormément de temps. Et de l’argent aussi, rien que le kit PS4 nous a coûté plusieurs milliers d'euros, des sommes importantes à sortir quand on travaille en système D ». Du temps en démarches et une grosse dépense au démarrage, que tous les studios ne sont pas capables d'assumer. Pour Piranaking, le temps et l'argent consacrés à ces démarches ont payé, le jeu est d’ores et déjà approuvé chez Sony et Microsoft, et l’équipe pense à faire un « Greenlight » pour le lancement sur Steam.
Il est formateur de travailler de manière autonome et indépendante, mais le risque de se planter, s’il n’est pas plus important, est plus lourd de conséquences. Qu’importe, l’équipe de Piranaking est motivée à aller de l’avant, vers la réussite. Ils ont ce goût de l’apprentissage, de l’autoformation et du partage des univers, des connaissances et des capacités de chacun.
Trex confirme qu'ils n'ont rien contre les éditeurs, « mais on veut taper à leur porte le jour où c'est nécessaire. Si on se dit : ça on ne sait pas faire, on pourrait se faire aider.» Car oui, le studio a lui aussi ses limites, et il le sait. « Ce qui pêche chez nous, c’est la communication, on est mauvais là-dessus. C’est pour ça d'ailleurs qu’on ne participe à des évènements que depuis cette année ». A quoi il ajoute, « Plus la deadline approche, plus on se rend compte de nos faiblesses. ». Avec le nom de Bastien Vivès, Piranaking pensait que la communication allait se faire d'elle même. «Naïvement, on a pensé que Bastien Vivès était réputé dans le monde de la BD et que cela ferait notre communication». Pourtant, le monde de la bande-dessinée est relativement petit.« Les gens qui jouent au jeux vidéo dans la BD représentent une proportion microscopique. On a compris que le nom seul de Bastien Vivès n'avait pas grande valeur. Il à beau être gentil, avoir plein de followers, ce ne sont pas des gamers, des gens qui veulent jouer à notre jeu.»
La communication est vraiment très importante pour assurer une belle sortie et une bonne visibilité au jeu. Sur ce point le studio a fini par demander l'aide de Pois Chiche et Boulon, d'ancien rédacteurs en chef de Gamekult et de CanardPC, concernant notamment les relations presse et tout ce qu'il faut savoir sur : «le presskit : comment on le rédige, à qui il faut l'envoyer, toutes ces choses qu'on ne sait pas et qu'une personne de la presse connaît bien.» Ils ont aussi été aidés sur la présentation du jeu. Trex nous explique que les journalistes leur ont donnés quelques précieux conseils : quoi montrer et quand, pourquoi ne pas présenter trop de "Work in progress" au risque que le public le prenne pour argent comptant.
Le résultat aujourd'hui vaut le coup d'oeil !
Le studio reste confiant sur la deadline. Il souhaitait au départ une sortie en fin d’année 2015, Noël était parfait en terme de timing. Mais on leur conseille rapidement de se raviser : « à Noël, tous les gros jeux sortent, vous êtes un petit studio indé, attendez que les gens aient dépensé leurs 120 euros de budget dans deux gros jeux ! » Après avoir fini leurs blockbusters, les joueurs chercheront d'autres nouveautés à se mettre sous la dent.. « C’est plus une décision marketing, on va éviter la période de Noel. C’est un peu dangereux. Du coup, janvier c’est bien. »
On espère pour eux que la suite de la Gamescom s'est bien déroulée. Selon leur Instagram, il semblerait que oui ! Un tournoi a été organisé, et il y avait beaucoup de public sur le stand.
II – Du transmédia, en veux-tu en voilà.
Lastman est une bande-dessinée, éditée depuis 2013 par Casterman, écrite et dessinée par Bastien Vivès, Balak et Michaël Sanlaville. C’est autour de cet univers, où évolue entre autres le célèbre boxeur Richard Aldana, que le jeu LAST FIGHT s’est construit.
LAST FIGHT, dont la temporalité «se situe dix ans avant la bande-dessinée» et également une série animée, « qui est en train d’être faite, par France Télévision et qui se situe dix ans avant [le jeu]» vont accompagner la bande-dessinée, qui en est à son sixième tome. La série animée devrait sortir elle aussi courant 2016, peu après le jeu.
Trex nous en a dit un peu plus sur l’aspect narratif de ces projets croisés. La série animée raconte la jeunesse de Richard Aldana, quand il apprend la boxe. Le jeu se situe dix ans plus tard, quand Aldana devient célèbre «On se trouve au moment où tout le monde l’aime bien, c’est l’idole des jeunes. C’est le jeu vidéo que les gens auraient fait dans l’univers de Paxton ». Dans l’espace narratif du jeu vidéo, Aldana est à son apogée, on fait des jeux vidéo, des figurines et autres goodies à son image. Il a pour objectif de casser la figure aux mutants qui prennent trop de drogues, tout en sauvant sa copine Tony Katana « que l’on retrouve dans la BD dix ans plus tard ». Dix ans après en effet, nous sommes dans la bande-dessinée, Richard Aldana tente de fuir le monde de la boxe. Il est criblé de dettes « Il est rincé, il lui est arrivé plein de merdes. Tout le monde le recherche et veut le tuer pour une raison ou une autre. »
Nous avons voulu en savoir plus sur les relations du studio avec France Télévision mais Trex nous explique qu'ils n'ont pas vraiment de contacts professionnels avec le groupe. Cependant ils ont placé des clins d’œil, des références à l’animé dans le jeu. On ne veut pas pas gâcher le suspense et préfère vous laisse découvrir les personnages croisés, références et clins d'oeil par vous même.
C’est Jeremy Périn et son acolyte Laurent Sarfati qui travaillent sur le projet de la série animée, qui est prévue pour courant 2016, après la sortie du jeu. Trex nous explique que Bastien, Michaël et Balak laissent sa liberté à Jeremy. Il conserve son style et fait ses designs. Il est « libre d’apporter sa vision de la chose. »
Mais qu'en est-il des aspects juridiques, et surtout de l'harmonisation de ces différents projets ? D'après Trex les questions de droits se sont vite réglées : «Toutes les idées appartiennent à Bastien, Michaël et Balak et nous avons été clairs dès le début sur le fait que le jeu vidéo aurait le droit d’utiliser les images de la BD». Quant à l'harmonisation, là aussi ça a semblé facile car « Bastien aime bien le côté spin-off et les angles de vue différents. Il n’a pas forcément envie que tout soit exactement comme il l’a pensé à l’origine».
Le studio était libre d'apporter sa créativité et c'est plutôt réussi. Le personnage d'Aldana est reconnaissable, mais la différence dans son appréhension en 3D plutôt qu'en 2D, créée déjà une déconnexion. Ce qui est loin d'être un souci pour Trex : « Ce n’est pas un problème pour les fans, ça leur donne un autre angle de vue et leur permet de dire : "Ah c’est le même univers, ça je reconnais, ça aussi, je préfère ceci dans la bande-dessinée, cela dans le jeu" ».
Les personnages ne sont d’ailleurs pas tous extraits de la BD. Certains se croisent ou des références apparaissent dans les différents projets. Il n’était pas non plus forcément judicieux de coller exactement à l’univers de la bande-dessinée, notamment en terme de gameplay. « On s’est dit que c'était compliqué : on Adrian, et on sa mère. Mais il n’a pas forcément envie de donner des coups de poing à sa mère. L’image ne passe pas bien. En plus il est tout petit et elle, elle est grande. ». Trex justifie très bien le choix de ne pas avoir collé à 100% à l’univers : « Notre priorité c’était de faire un jeu fun. Et le but pour nous était qu'on ait envie d'y jouer, que ce soit rigolo. L’univers passe quand même en second plan, pour habiller et enrichir. Avoir la richesse que l’on ne retrouve pas habituellement dans l’univers des jeux de combats, souvent assez triste et pauvre. ».
L’aspect narratif se retrouve surtout dans la bande-dessinée et la série, mais le jeu reprends des codes. Il fait intervenir des éléments et des personnages que l’on ne verra ni dans l’un ni dans l’autre, mais qui sont liés d’une manière ou d’une autre à l’univers. « Ça fait beaucoup de clins d’œil entre les deux médias et ça fonctionne plutôt bien ».
Le jeu et la série animée disposent d’une grande liberté de transgression et de réinvention de l’histoire, des personnages et des situations rencontrées. « Vu qu’on est dix ans avant ou après, on peut prendre une autre direction, ça ne va pas choquer ».
Cette « richesse de plusieurs artistes, qui travaillent ensemble », les différents horizons et les idées qui se marient permettent de nouvelles approches. Les styles sont différents et la série animée peut permettre de s’ouvrir à public plus large.
Pour découvrir notre retour d'expérience sur le jeu, c'est par ici.
Sources :
http://www.catsuka.com/news/2014-06-20/premiere-image-de-la-serie-tv-de-lastman-par-jeremie-perin-pour-france-4
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lastman_(bande_dessin%C3%A9e)
Auteur : Alison
ChroniqueuseCulturophage invétérée, je nourris le doux espoir de travailler en tant que Game Designer. Le jeu vidéo est une belle histoire à écrire, à vivre et à raconter ! Retrouvez moi sur Twitter : @Poli_ssonne
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